Un Hercule en enfance1
Qu’un lâche adulateur, sur l'appât du salaire,
Bassement te prodigue un encens mercenaire ;
Que, gravant ton portrait sur l'or chéri de lui2 ,
De l'empire français il te fasse l'appui ;
Qu'il vante sans pudeur tes vertus cardinales,
Qu'il y joigne s'il veut les trois théologales,
Qu'il dise que le ciel te fit pour enseigner
Au docile Louis le grand art de régner ;
Qu'il chante de Soissons le congrès inutile,
Le massacre d'Embrun, le traité de Séville3 ;
Que de ta politique admirant le ressort
Il place dans tes mains de l'Europe le sort ;
D'Antin le veut : d'Antin, né pour la servitude,
Savant dans ce métier par une longue étude.
Pour moi, Fleury, plus libre avec le fier Anglois,
Le solide Germain et le sage Gaulois,
Des éloges d'un sot justement je m'offense,
Et je ris des travaux d'un Hercule en enfance.

• 1Autre titre: Vers au sujet d'une médaille présentée par M. le duc d'Antin le 1er jour de l'an 1731 (Arsenal 2962 - sur une médaille frappée par les soins de M. le duc d’Antin où M. le cardinal de Fleury est représenté appuyé et soutenant une colonne. (Arsenal 2938)
• 2Le duc d'Antin présenta le premier jour de l'an 1731, au cardinal, une médaille où ce ministre est gravé avec cette inscription : ANDREÆ HERCULI DE FLEURY REGNI ADMINISTRO ; au revers de laquelle est une colonne sur son piédestal, surmontée d'un globe fleurdelisé. Aux quatre coins les vertus cardinales avec cette légende : VIRTUTES REGNI ADMINISTRÆ. (M.) (R)
• 3Le traité de Séville (9 nov. 1729) avait terminé les négociations du congrès de Soissons. (R)