Harangue de M. Hérault aux écoliers de Sainte-Barbe
Harangue de M. Hérault
aux écoliers de Sainte-Barbe1
Venez goûter, tendre jeunesse,
Un sort plus doux ;
Fleury vous montre la tendresse
Qu'il a pour vous.
Il vous ôte des précepteurs
Tous hérétiques,
Et vous donne pour conducteurs
La fleur des catholiques.
Ils arrivent de Saint-Sulpice,
Oh ! le saint lieu !
Rendez pour un si grand service
Grâces à Dieu ;
Qu'entre eux et vous toujours l'ardeur
Soit réciproque :
Leur chef vous vient du grand auteur
De Marie Alacoque2
.
Enfants, écoutez leur parole
Avec respect,
Il ne viendra de cette école
Rien de suspect.
Vous aurez des livres pieux
Dont la lecture
Vous instruira mille fois mieux
Que la sainte Écriture.
Reprenez, malgré tous ces gardes,
Votre air serein ;
Je veux vous nourrir de poulardes,
Et dès demain ;
Et pour que la troupe souvent
Soit régalée,
Je ferai par mon camp volant3
Confisquer la Vallée4
.
- 1Autres titres: Chanson sur la destruction du collège de Sainte-Barbe (Arsenal 2962) - Sur M. le cardinal de Fleury, premier ministre (Arsenal 2932) - Le collège Sainte Barbe abritait deux cents écoliers pauvres, que l'on appelait Gillotins, en souvenir de Robert Gillot, docteur de Sorbonne, qui, le premier, en avait recueilli dans ce lieu. « Ces écoliers, dit Barbier, allaient en classe au collège du Plessis. Il y avait un principal et sept ou huit ecclésiastiques qui enseignaient cette jeunesse. Il en sortait les meilleurs écoliers de Paris et les gens les plus savants, mais d'une morale non convenable au temps, parce que ces ecclésiastiques étaient grands jansénistes de leur métier. » Aussi le cardinal Fleury et l'archevêque de Paris résolurent-ils de les expulser. Le 7 octobre 1730, à six heures du matin, « M. Hérault, lieutenant de police, M. Moreau, procureur du Roi, le commissaire Lecomte et autres avec nombre d'archers sont entrés dans ce collège, dont ils ont fermé les portes. M. le lieutenant de police a fait un discours pathétique aux écoliers, pour leur faire trouver bon l'ordre du Roi. On a chassé et renvoyé le principal et les autres ecclésiastiques. On a évalué ce que pouvaient valoir les meubles de leur chambre, dont on leur a délivré l'argent comptant, et on a substitué à leur place des prêtres sulpiciens. Tous ces pauvres écoliers qui étaient fort attachés à leurs maîtres, y ont marqué leur mécontentement par leurs pleurs. Il y en a même qui ont jeté des pierres à un jésuite qui regardait à une fenêtre du collège. On a voulu les apaiser en leur donnant des poulardes à souper, que le cuisinier qui demeurait depuis trente ans dans la maison a dit n'y avoir point encore vu manger. M. Hérault y a dîné et resté toute la journée. Le lendemain et autres jours suivants, la plus grande partie des parents a retiré les enfants. » (R)
- 2Languet de Gergy, évêque de Soissons.
- 3Après l'exil de M. le Duc, la garde fut dans tous les marchés. (M.) (R)
- 4Ajout Arsenal 2932: A la Vallée / Et par Fleury, tout à l’instant, Vous l’aurez fricassée. - On appelait la Vallée l'endroit du quai des Augustins où se tenait le marché du gibier et de la volaille que les paysans apportaient pour la provision de Paris. (R).
Raunié, V, 222-24 - Clairambault, F.Fr. 12700, p.187-88 - Maurepas, F.Fr.12632, p.131-32 - F.Fr.12674, p.382-84 - F.Fr.13660, f°155 - F.Fr.15144, p.194-96 - Nouv.Acq.Fr. 4773, f° 64v-65v - Stromates, I,9-10 - Arsenal 2932, f°39r-40r - Arsenal 2962, p.441-42 - Arsenal 2976, p.180-81 - Arsenal 3133, p.141-42 - Arsenal 3116, f°140r - Mazarine Castries 3985, p.138-39 - BHVP, MS 542, f°108-10 - BHVP, MS 548, p.21-22
Voyez l’éloge de cette excellente maison d’éducation (si abâtardie depuis) dans la feuille des Nouvelles ecclésiastiques du 24 avril 1775, p.65-68 (Stromates)