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Le duc de Bourbon

Le duc de Bourbon1
Peuples, lorsque l’indigence
Vous causa tant de malheur,
Voulez-vous savoir l’auteur
Des maux que souffrit la France2 ?
Je n’en dirai pas le nom,
Mais voyez la ressemblance :
Je n’en dirai pas le nom,
Or, écoutez ma chanson.

Il porte sur deux échasses
Un corps fait comme un cotret,
Sa tête montre à regret
L’œil qu’il perdit à la chasse.
Je n’en dirai pas le nom,
Il faut respecter sa place.

Dans cette informe machine
Réside un diminutif
De cet esprit sensitif,
Qui sur les bêtes domine.
Je n’en dirai pas le nom,
L’âme répond à la mine3 .

Ainsi que dessus les bêtes
Les hommes ont l’ascendant,
Sa catin, depuis longtemps,
Le fait marcher à courbettes.
Je n’en dirai pas le nom,
Elle le mène à sa tête4 .

Quand le chef de la Régence,
Premier ministre, périt,
En escroc il se saisit
De cet emploi d’importance5 .
Je n’en dirai pas le nom,
Mais Dieu ! quelle différence.

Pour diriger la finance
Il n’a pris pour tout conseil
Qu’un déserteur sans pareil
En vol et en insolence6 .
Je n’en dirai pas le nom,
Je l’attends à la potence,
Je n’en dirai pas le nom,
Or, écoutez ma chanson.

 

Par un esprit politique7
Feu notre bon roi Louis
De sa gueuse fit jadis
Le chef de sa république
Je n’en dirai pas le nom,
Il suit la même pratique,
Je n’en dirai pas le nom,
Or écoutez ma chanson.

  • 1Louis‑Henri de Bourbon, nommé le duc d’Enghien, puis Monsieur le Duc, devint premier ministre de Louis XV, à la mort de Philippe d’Orléans. (R)
  • 2Lors du système de Law, il avait fait preuve d’une insatiable cupidité ; et l’on avait appelé par dérision la tourbe des agioteurs qui opéraient sur la place Vendôme le camp de Condé. (R)
  • 3« Moins capable que son prédécesseur, mais autant que lui livré à la débauche, il était grand, maigre, d’une figure peu revenante, d’une humeur brusque et peu commode, curieux et aimant les choses rares et précieuses ; possesseur d’une très belle femme, dont il ne connaissait pas tout le prix ; cherchant ailleurs des plaisirs qu’il était peu en état de goûter. » (Mémoires secrets pour servir à l’histoire de Perse.) (R)
  • 4La de Prie. (M.) — « M. le Duc est d’un esprit très borné, et ne sachant rien, n’aimant que son plaisir et la chasse, étant très attaché à la marquise de Prie, fille de Berthelot de Pleneuf, directeur général des vivres dans les dernières guerres. C’est elle qui gouvernera et qui tirera de l’argent tant qu’elle pourra, aussi bien que M. le Duc et le comte de Charolais, son frère Il suffit d’être du sang des Bourbons pour ne pas haïr ce métal. » (Journal de Barbier.) (R)
  • 5A peine le duc d’Orléans rendait‑il le dernier soupir que M. le Duc fut prêter serment au roi de la place de premier ministre, avant même d’avoir ses provisions. Ce fut M. de la Vrillière, secrétaire d’État, qui le servit dans cette occasion, oubliant tout ce qu’il devait à la maison d’Orléans. (M.) (R)
  • 6Pâris Duvernay, soldat aux gardes de la compagnie de Montarant, se trouva du nombre de ceux qui furent accusés d’avoir volé le carrosse de Bruxelles. Montarant le fit sauver à Namur, où il resta jusqu’à ce que l’affaire fût assoupie. Duvernay lui en a marqué, depuis qu’il est en faveur, une reconnaissance infinie. (M.) (R)
  • 7Ce dernier couplet ne figure que dans Castries.

Numéro
$0568


Année
1724 / 1725 (Castries)




Références

Raunié, V,1-3 - Clairambault, F.Fr.12699, p.391-92 - Maurepas, F.Fr.12631, p.263-64 - F.Fr.9353, f°55r-56r - F.Fr.10475, f°249 - Mazarine Castries 3984, p.33-35 (avec un couplet supplémentaire)