Épitaphe du cardinal Dubois1
Ci-gît le cardinal Dubois,
Qui sans mérite et sans naissance
Monta par de sales emplois
De la seringue à l’Éminence.
Un rasoir2 pour notre salut
Vient enfin de rendre à la terre
Ce noble fils d’apothicaire3 ,
Moindre et plus pauvre qu’il ne fut
Au sortir du sein de sa mère.
France dont le triste sort
Est le fruit de son ministère,
Plût à Dieu pour toi que le père
Fût né comme le fils est mort4 .
Sous des auspices trop sinistres,
France, tes yeux, avec douleur,
Ont vu livrer à trois ministres,
Ton sang, tes biens et ton honneur.
Vit-on jamais rien plus indigne ?
Le premier était un bourreau5 ,
Le second un voleur insigne6 ,
Et le troisième un maquereau7 .

• 1Le frère et le neveu du cardinal lui firent élever un mausolée dans l’église Saint‑Honoré où il était inhumé. Pour toute épitaphe on y lisait les titres du défunt, suivis de cette réflexion chrétienne : Quid autem hi tutili, nisi arcus coloratus et vapor ad modicum parents ? / Solidora et stabiliora bona mortuo precare. Mais la malignité publique voulut prendre sa revanche et les Mémoires de Richelieu nous apprennent que sur son tombeau, « les libertins affichèrent en passant des épitaphes satiriques dignes du sacerdoce ». Il fut aussi rédigé une épitaphe latine, d’une extrême violence, que l’on trouvera dans le Journal de Marais. (R)
• 2On lui a coupé les parties naturelles dans la dernière opération, veille de sa mort. (M.) (R)
• 3Son père, médecin et apothicaire à Brives. (M.) (R)
• 4Il mourut de la gangrène qui avait gagné les parties nobles de ce cardinal. On lui coupa quelques jours avant sa mort ; ainsi, si le père était né impuissant, la France n'aurait pas eu ce ministre. (Arsenal 2976)
• 5Le cardinal de Richelieu. (M.) (R)
• 6Le cardinal Mazarin. (M.) (R)
• 7Le cardinal Dubois. (R)