Les exploits de Jupiter1
Du haut de son empyrée,
Jupiter considérait
D’un œil âpre à la curée,
Si par hasard il verrait
Quelque mirliton.

Ce dieu, toujours en haleine,
Ne put pas voir sans désir
La belle et charmante Alcmène,
Qui déplorait le loisir
De son mirliton.

Son époux, que la victoire
Éloignait de jour en jour,
Laissait, pour suivre la gloire,
Jeûner des plaisirs d’amour
Son beau mirliton.

D’un trait que l’Amour lui lance
Jupin frappe tout de bon,
Le voilà d’abord qui pense
A doubler Amphitryon
Dans son mirliton.

Lors ce dieu prit sa figure,
Prit sa voix, et prit son nom ;
Il prit son air, son allure ;
Mais le drôle avait, dit-on,
Meilleur mirliton.

Il fut reçu de la belle
Bras dessus et bras dessous,
Et, sous sa forme nouvelle,
Eut tous les droits de l’époux
Sur son mirliton.

Pendant trois jours pour Alcmène
La nuit fut en faction.
Que de plaisirs, quelle aubaine !
Quelle consolation
Pour un mirliton !

Alcmène n’a point mémoire
D’une pareille vigueur.
Quoi ! dit-elle, est-ce la gloire
Qui vous enfle ainsi le cœur
Et le mirliton ?

Son époux, qu’Amour ramène,
Veut lui prouver ses transports.
Ah ! trêve ! lui dit Alcmène,
A peine êtes-vous dehors
De mon mirliton ?

Cette parole cruelle
Le fait soudain succomber.
Il sent, à cette nouvelle,
Sa tête et ses bras tomber,
Et son mirliton.

Quoi donc ! un autre, infidèle,
A possédé vos attraits ?
Ah ! résolvez-vous, la belle !
A voir boucler désormais
Votre mirliton.

Pour calmer cette querelle,
Jupiter dans sa splendeur
Dit : Ton épouse est fidèle.
Sous tes traits j’ai pris son cœur
Et son mirliton.

Il est temps que ce mystère
Se découvre aux yeux de tous.
Ce qui seul dans cette affaire
Met la discorde chez vous,
C’est mon mirliton.

De nos ardeurs mutuelles
Le grand Hercule naîtra,
Qui de cinquante pucelles
En un seul jour fourbira
Tous les mirlitons.

• 1Autre titre: Histoire véritable et remarquable arrivée à l'endroit d'un mari, qui a été fait cocu d'une façon ancienne (Clairambault)