Le triomphe de La Motte
Le triomphe de La Motte1
Tu triomphes, la Motte, et, malgré la cabale,
Tu vas tirer d’Inès un glorieux tribut2
,
Chacun sur ton sujet en louanges s’exhale.
Heureux qui peut de loin te donner un salut !
Ton esprit sort enfin du ténébreux dédale
Qui, du beau, du parfait, te dérobait le but ;
Tu nous fais oublier l’ennuyeux intervalle
Où le public donnait tes vers à Belzébuth.
Ta réputation n’est plus un paradoxe,
Elle verra sans fin l’un et l’autre équinoxe,
Si tu sais conserver ton dernier numéro.
Mais ne risque plus rien, de peur qu’on ne te sape ;
Il suffit une fois d’être devenu pape,
Qui veut aller plus loin peut devenir zéro.
- 1Sonnet en bouts rimés sur l’auteur d’Inès de Castro (Clairambault) - Ce sonnet fut composé à l’occasion de la tragédie d’Inès de Castro représentée à la Comédie‑Française le 6 avril 1723. (R)
- 2La pièce faillit ne point réussir ; elle comportait deux rôles d’enfant, ce que le parterre trouva ridicule On prétend que Mlle Duclos, qui jouait Inès, s’interrompant au milieu d’une tirade, s’écria : « Ris donc, sot parterre ! » et reprenant sa déclamation, décida du succès par son audace. Marais remarque à ce propos que « Les avis sont partagés. Les uns y ont pleuré, et les autres ri d’y voir pleurer, et la poésie n’a pas plu. » (R)
Raunié, IV,174-76 - Clairambault, F.Fr.12699, p.99 - Maurepas, F.Fr.12631, p.181 - Arsenal 3128, f°265r