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Sans titre

Or voici les remontrances
De Messieurs du Parlement
Contre le clergé de France
Qui friponne notre argent
Pour des mirlitons.

Nous venons avec instance
Vous supplier humblement,
Qu’à cette maudite engeance
On coupe très promptement
Tous les mirlitons1 .

On veut pendre la Jonchère2 ,
On a exilé Le Blanc ;
Quel diable a fait cette affaire ?
C’est le Duc assurément,
Pour un mirliton.

Chère Sabran, pourquoi produire
Ta nièce Houel au Régent3 ,
Ne devais-tu pas l’instruire
Qu’il rate depuis longtemps
Tous les mirlitons ?

Gondrin4 , on dit dans le monde,
Que tu épouses un bâtard,
Qu’il t’a fait la taille ronde,
Mais que tu as pris trop tard
Son vieux mirliton.

Le grand chancelier5 à Fresne,
S’épuise dans son taudis
A chercher un stratagème
Pour ramener à Paris
Son sot mirliton.

Il entend sa femme braire
Et se lamenter sans fin,
De ce que son mousquetaire
Ne fourbit plus le matin
Son vieux mirliton.

Quoi ! de Gesvres a la moustache !
D’où peut-elle provenir ?
Il faut donc qu’il se l’attache,
Ou qu’il ait fait dégarnir
Quelque mirliton.

L’Empereur, dit la Gazette,
Te permet d’être cocu.
Mais ton heureuse planète,
Bouillon, te tourne le c… ;
Pleure, mirliton.

Le curé de Saint-Sulpice6
Voulant baiser la Cavoie,
Crainte de la chaudepisse,
Fait le signe de la croix
Sur son mirliton.

De Le Blanc, notre ministre,
On punit le péculat,
Mais qui du cardinal cuistre
Pourra délivrer l’État ?
C’est le mirliton.

Un beau jour, la Peyronie7 ,
En sondant le cardinal8 , Lui dit :
Seigneur, la vessie
Est toute pleine de mal
Et le mirliton.

  • 1Ces deux couplets furent faits à l’occasion des remontrances du Parlement sur la réduction des rentes du clergé. (M.) (R)
  • 2Le Blanc, secrétaire d’État de la guerre, était accusé par les frères Pâris d’avoir dissipé avec les sieurs de Sauroy et La Jonchère, trésoriers généraux de l’extraordinaire des guerres, la somme de douze millions. Barbier nous révèle la cause première de cette accusation : « Mme la marquise de Prie, maîtresse de M. le Duc, est brouillée avec M. Le Blanc et avec Mme de Pleneuf, sa mère, laquelle est la bonne amie de M. Le Blanc, et comme ces p…‑là n’ont ordinairement aucune règle dans l’esprit, Mme de Prie a engagé M. le Duc à perdre M. Le Blanc, et M. le Duc a fait agir les Pâris. » La Jonchère fut décrété de prise de corps, et Le Blanc exilé au Traisnel. (R)
  • 3« Mme de Sabran, racontent les Mémoires de Maurepas fit venir de Marseille une de ses nièces qui était dans un couvent, et qui allait se faire religieuse, et l’offrit à son arrivée pour maîtresse à M. le duc d’Orléans. Ce prince la prit et fit remettre cent mille francs à Mme de Sabran pour la faire équiper » (R)
  • 4Sœur du duc de Noailles. Elle était aimée de M. le comte de Toulouse. (M.) (R)
  • 5Le chancelier d’Aguesseau. (R)
  • 6 Languet de Gergy. (M.) (R)
  • 7François Gigot de La Peyronie, célèbre chirurgien (1673‑1747). Après avoir été démonstrateur au Jardin du Roi, il devint premier chirurgien de Louis XV. (R)
  • 8Le cardinal Dubois était atteint d’une affection de l’urètre qui devait bientôt l’emporter. (R)

Numéro
$0523


Année
1723




Références

Raunié, IV,207-10 - Clairambault, F.Fr.12699, p.32-45 - Maurepas, F.Fr.1231, p.80-83 - F.Fr.12500, p.369 - Mazarine Castries 3984, p.234 (couplets 1 et 2)