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Le Triomphe du maréchal de Duras

Le triomphe du maréchal de Duras1
Enfin, vous triomphez, monsieur le maréchal,
Quel début, juste ciel, dans les champs de la gloire !
D’un triomphe si beau s’ornera votre histoire :
Peuples, chantez Duras, il a vaincu… Sainval2 .

Aussi grand à Paris que terrible à la guerre,
Opprimer le mérite est votre bon plaisir ;
C’est fort bien fait à vous : d’une ou d’autre manière,
Il faut bien quelquefois montrer qu’on sait agir.

Contemplez, ô Français, le digne successeur
De Turenne et Villars, de Berwick et Maurice ;
Le bâton glorieux, le prix de la valeur
Duras sait l’acquérir en baisant une actrice.

A l’ombre des lauriers qui ceignent votre front,
On dit que va dormir l’illustre favorite ;
Par malheur, ce repos ne saurait être long :
Vos lauriers, monseigneur, se flétrissent trop vite.

Poursuis donc, ô Duras, remplis tes grands projets,
Cacodemon rendra ta mémoire immortelle,
Et tu vas figurer dans le brillant palais
Que Voltaire décrit, chant trois de la Pucelle.

  • 1L’affaire du maréchal duc de Duras, qui a suivi de près celle de la Sainval, a fait jaser tant et plus. Comme à la Cour on ne manque point de gens qui s’expriment facilement en vers, surtout quand il n’est pas question de dire du bien de son prochain, le maréchal a trouvé dernièrement les vers suivants sous sa serviette. (Correspondance secrète) - Emmanuel de Durfort‑Duras, qui avait fait ses premières armes sous Villars en 1734 et pris part à toutes les guerres de Louis XV, était devenu successivement pair de France, maréchal et membre de l’Académie française. En sa qualité de premier gentilhomme de la chambre du Roi, il avait dans sa juridiction le personnel de l’Opéra et du Théâtre‑Français, et honorait d’une faveur toute particulière Mme Vestris, qui fut longtemps sa maîtresse. (R)
  • 2« Nous venons de voir, écrivait Grimm au mois de juillet, la guerre civile éclater au sein de la Comédie‑Française et nous menacer des suites les plus funestes. C’est la jalousie des grands noms de Vestris et de Sainval qui suscite ces nouveaux troubles. La dame Vestris, quoique reçue au théâtre après Mlle Sainval, mais soutenue de la protection de M. le maréchal de Duras, s’est emparée de tous les rôles qu’elle a trouvés à sa convenance, et dans l’emploi de Mlle Clairon et dans celui de Mlle Dumesnil. La demoiselle Sainval n’a cessé de protester contre cette injustice, elle a réclamé particulièrement huit rôles que sa rivale s’était appropriés (Roxane, Hermione, Mariamne, Didon, Viriate, Zénobie, Idamé, Émilie), comme autant de rôles dépendant de son emploi, ayant été reçue pour remplacer Mlle Dumesnil, chargée anciennement de tous les rôles de reines, mères et femmes délaissées. Les plaintes de Mlle Sainval, adressées d’abord à M. le maréchal de Duras, furent renvoyées à l’examen de l’aréopage comique ; mais ce conseil ayant été assez maladroit pour décider la question en faveur de Mlle Sainval, M. le maréchal en fut très indigné et déclara, dit‑on, assez naïvement qu’il ne croyait pas que les comédiens jugeraient comme cela, qu’ils ne pouvaient revenir sur leur signature au bas de la liste et du répertoire qu’ils avaient fait pour la Vestris, et qu’il fallait que MM. les quatre premiers gentilshommes en jugeassent. »

Numéro
$1461


Année
1779




Références

Raunié, IX,222-24 - CSPL, IX, 93 - Correspondance secrète, t.I, p.301-02 - Kageneck, p.70