Brevet de la calotte pour M. de Toulon
Brevet de la calotte pour M. de Toulon
De par le dieu porte-marotte,
Nous, général de la Calotte,
Epris d’un délire divin,
Salut à tout bon Girardin.
Informé par la renommée,
Notre féale et bien amée,
Que le dégourdi Montauban
Vient de donner tout récemment
Par un esprit loin du vulgaire
A notre cher apothicaire1
Des marques d’un amour ardent
Puisqu’il a généreusement
Sans nul égard pour la droiture
Prêté son nom à l’imposture
Dans un écrit d’un tour nouveau
Emané d’un brillant cerveau
Qui comme onguent pour la brûlure
Sera pour lui recette sûre
Car il y prouve évidemment
Que Girard est un innocent,
Que Sabatier est un grand homme,
Que Nicolas pour bonne somme
Imagina malin complot,
Que le prêcheur n’est qu’un vrai sot,
Encore plus l’abbé son frère
Et que Catherine Cadière
N’étant tout au plus qu’un enfant,
D’un Loyola de cinquante ans
Se gobergeait, la scélérate,
Comme d’un rat fait une chatte.
Bref que pour lui d’un vrai benêt
A l’avouer et franc et net
Il n’avait pas joué le rôle
Et que l’on doit sur sa parole
L’en croire avec un saint respect,
Sur le tout n’étant pas suspect.
De plus, sachant que ce grand homme
Dont le bon sens jamais ne chôme
A donné démonstration
D’être exempt de prévention
Et que dans toute l’aventure
Dont toute l’Europe murmure
Plus qu’aucun autre il y voit clair,
Qu’à l’esprit malin et pervers
Il ne donna nulle croyance
Et que par saine prévoyance
Il la voulut manifester
Ce qu’il pouvait à tous cacher.
Item, qu’il sait son catéchisme,
Qu’il ne croit point à l’exorcisme
Et qu’il est très faux qu’à Sonnet2
Il demanda sur certain fait
Qu’il ne pouvait par soi résoudre
Et que je n’ose ici vous coudre
Son avis et son sentiment
Pour pouvoir après sainement
Prononcer sur drôle posture,
Qu’il doutait fort contre nature ;
De plus que jamais il ne fut
Assez sot pour payer tribut
A la sainte de contrebande
Dont Girard prônait la légende ;
Qu’il est sûr qu’à certain chiffon
Qu’on appelle, je crois, coeffon
On n’eut recours dans ses détresses
Ni dans ses moments de tristesse
Et qu’il n’est [?] par ses yeux
Par là croyant y voir bien mieux
Enfin qu’en lui toute science
Réside comme intelligence
Et qu’il est homme dératé,
Le tout étant bien constaté.
A ces causes et plusieurs autres
Lui donnons rang parmi les nôtres
Et le nommons dès ce moment
Patriarche du Régiment
A cette charge d’importance
Soit pour gage ou pour récompense
Nous attachons pour revenu
Tous les ans trente mille écus
A prendre sur les sels attiques
Qu’on débite dans les boutiques
Qu’au pays des limbes avons.
Lui donnons calotte de plomb
Orné de la bagnolette –
Si mieux aimez de la cornette –
Empreinte du sang de Catin,
Spécifique pur et certain,
Pour le guérir de la migraine,
Voulant qu’il y pende à centaines
Rats, sonnettes, papillons,
Chauve-souris et hannetons.
Fait au jour qu’au palais d’Astrée
L’on fit remontrance et huée
A certain fade Girardin
Lisant d’un ton de turlupin3
.
- 1Le Père Girard
- 2Son secrétaire (M.)
- 3M. de Mons, évangéliste, du procès, faisant en cette qualité la lecture de la procédure. (F.Fr.23859). M. De Mons, évangéliste, lisait des pièces si doucement qu’on ne pouvait rien entendre, et un de Mrs les juges l’ayant prié de lire un peu plus haut, il prit le ton de turlupin. (Turin)
F.Fr.23859, f°64r65v - Turin, p.185-89