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Sans titre

Que voyons-nous qui respire
Qui ne ressente l’amour ?
Les oiseaux sous son empire,
Usent dès le point du jour
De leurs mirlitons.

Ce que jeune fille n’ose,
N’ose appeler par son nom,
Ce que d’autres appellent chose,
Chose qui n’a point de nom,
C'est un mirliton.

Je trouve dans mes remarques,
Des auteurs grecs et latins,
Que ce qui fait les monarques,
Les cocus et les catins,
C’est le mirliton.

Pâris, jugeant en grand homme
Junon, Pallas et Vénus,
N’aurait pas donné la pomme
A Vénus s’il ne l’eût vue
Par le mirliton.

Si Daphné fut si légère
A fuir devant Apollon,
C’est que ce dieu téméraire
En voulait, ce dit-on,
A son mirliton.

Savezvous pourquoi Ovide
Écrivit si galamment ?
L’Amour lui servait de guide,
Et sa plume il trempait souvent
Dans un mirliton.

Sais-tu bien, jeune Silvie,
Ce qui me rend amoureux ?
Ce n’est ni ton beau génie,
Ni le brillant de tes yeux ;
C’est ton mirliton.

Une nonnette jolie,
Voulant se faire un amant,
Du haut de sa jalousie
Criait à chaque passant :
J’ai du mirliton.

Iris a les yeux plus tendres
Que ne sont ceux de Vénus :
Quel cœur pourrait s’en défendre
En les voyant plus fendus
Que son mirliton ?

Je sais plaire à tous les hommes1 .
J’en fais tout ce que je veux,
Je les mènerais à Rome
Par le plus court des cheveux
De mon mirliton.

 

  • 1 C’est Mme de Polignac qui parle. (M). (R)

Numéro
$0518


Année
1723




Références

Raunié, IV,186-88 - Clairambault, F.Fr.12699, p.32