Aller au contenu principal

Le Ballon du Luxembourg

Le ballon du Luxembourg1
Que vîtes-vous en voyageant
A Paris, cher père ?
Ce séjour dont on parle tant
A-t-il su vous plaire ? —

J’ai vu le ballon de Miolan
Par derrière et par devant.
C’est un fier compère
Que c’t abbé Miolan.

Quel chemin prit-il en partant,
Dites-moi, cher père ?
Est-ce le nord ou le levant
De notre hémisphère ? —
Il n’a pas quitté le couchant
Par derrière et par devant.

Ce ballon n’a donc pas pris vent,
Dites-moi, cher père ? —
On l’a travaillé vainement
Par devant derrière ;
Il a raté complètement
Par derrière et par devant.

Qu’a donc mérité ce savant,
Dites-moi, cher père ?
Car toute peine assurément
Mérite salaire. —
Il a mérité châtiment
Par derrière et par devant ;
Le fouet par derrière,
Soufflets par devant.

  • 1Un certain Janinet, graveur assez habile, et l’abbé Miolan, dont Grimm disait spirituellement « qu’il faisait des cours de physique à bon marché pour tout le monde et gratis pour Mme Janinet », avaient annoncé pour le 11 juillet une expérience aérostatique supérieure à toutes celles effectuées jusqu’alors et qui devait avoir lieu dans le Luxembourg. Une foule nombreuse paya de 3 à 6 livres pour assister à ce spectacle mais les aéronautes avaient mal pris leurs précautions, le ballon ne put ni s’enlever ni même être complètement gonflé, et le public irrité et déçu envahit l’enclos réservé, mit la machine en pièces et en brûla les débris. Les inventeurs avaient disparu à temps pour éviter la fureur populaire ; mais ils n’échappèrent pas au ridicule. « Quelques jours après l’échec éprouvé par les sieurs abbé Miolan, Janinet et marquis d’Arlandes dans leur malheureuse expérience, on comptait jusqu’à sept gravures toutes plus méchantes les unes que les autres, mises en couleur et placées dans les jardins et autres lieux publics, pour mieux les ridiculiser et les exposer à la risée du peuple qui se repaissait encore des mauvaises chansons que lui distribuaient les chanteurs des rues, de manière qu’à l’exception des criminels mulctés de peines infamantes, on ne se souvenait point d’avoir jamais vu aucun particulier avili et bafoué à un tel point. » (Journal de Hardy.) (R)

Numéro
$1544


Année
1784




Références

Raunié, X,148-49