Épître au duc de Crillon
Épître au duc de Crillon1
Détruis ces remparts redoutables
Qui voyaient sortir de leur sein
De corsaires insatiables
Le perfide et nombreux essaim ;
Qu’ils s’écroulent sous le tonnerre
Prêt à s’échapper de ta main,
Ces murs protecteurs du larcin,
Et qu’au moins une fois la guerre
Serve au bonheur du genre humain.
Déjà Minorque s’est soumise
A l’aspect de tes bataillons,
L’Ibère voit tes pavillons
Où flottaient ceux de la Tamise.
Suivi, pressé de toutes parts,
Dans son incroyable surprise,
L’Anglais a fui vers ses remparts.
C’est là que la victoire assise,
Animant les travaux de Mars,
Tient suspendue à tes regards
La couronne qui t’est promise.
Approche et ravis de ses mains
Cette palme que la déesse
Vend si chèrement aux humains
Et qui déjà vers toi s’abaisse.
Nous dirons alors, dans l’ivresse
Où nous serons de tes succès :
Du sein ténébreux de la guerre
Tu fais pour nous luire la paix,
Crillon, tu consoles la terre,
Et tes exploits sont des bienfaits.
- 1Louis de Berton de Crillon, lieutenant général des armées du Roi, venait de se signaler par la prise de Minorque et du fort Saint‑Philippe, lorsqu’il fut envoyé en Espagne, avec trois mille hommes, pour diriger le siège de Gibraltar. On comptait sur sa hardiesse et son intrépidité pour triompher de la résistance des Anglais. Mais, grâce à son imprévoyante témérité, Crillon débuta par un échec. La tentative de bombardement qu’il fit, le 12 septembre, n’aboutit qu’à la perte des formidables batteries flottantes imaginées par l’ingénieur d’Arçon.(R)[/
Raunié, X,52-54