Extrait de nouvelles universelles,
du mois d’octobre 1724
Soit notoire à tous nos États,
Du pôle arctique à l’antarctique,
Sujets, alliés, potentats,
A tous membres de République
Reconnaissant notre pouvoir,
Ou l’éprouvant sans le savoir,
Que, sur la pleine confiance
Dans le zèle et l’expérience
En fait d’accords et de traités,
Et dans les rares qualités
De Nericault, le dramatique,
Qui fit son cours de politique
Dans les rôles de gouverneur,
De confident, d’ambassadeur
Qu’il jouait à la comédie,
Aujourd’hui de l’Académie,
Et conseiller en nos conseils,
Qu’il tient seul, faute de pareils.
Lui conférons le caractère
De grand plénipotentiaire.
Entendons que lui soit rendu
Tout honneur à ce titre dû.
Voulons que manteau de sinople
A ses armes se fasse voir,
Avec marottes en sautoir.
L’envoyons à Constantinople,
Pour solliciter au Divan
La bienveillance du Sultan,
Afin que par lui se consomme
La paix entre Genève et Rome.
Pour Ispahan et pour Tauris,
Il doit charger en marchandise
Cent serpents à Malte nourris,
Cent loups nés près de la Tamise,
Cent mille exemplaires choisis
Du livre, où le Sieur Houteville
En mots si mignards, si jolis,
A fardé, musqué l’Évangile ;
Des lettres du grand Terrasson,
Qui du Système fit leçon ;
Des panégyriques grotesques,
Mi-funèbres et mi-burlesques,
Où Fontenelle tous les ans
Regrette en riant nos savants ;
Des parallèles pédantesques,
De tableaux et vers, où Du Bos
Met les deux arts dans le chaos ;
Des pièces pour Polichinelle,
Ouvrage où, sur tout autre excelle
L’inépuisable Fuzelier,
Bon manœuvre à tout atelier ;
Des fables du Sieur de la Motte ;
Des billets de banque par botte.
Enjoignons à tous commandants
De citadelles, rades, plages,
De lui donner libres passages,
Tant pour lui que pour tous ses gens,
Sans visiter ses équipages.
Donné le trente juillet.
Scellé de notre scel secret.