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Décret de concession pour une colonie de la Calotte

Décret de concession pour une colonie de la Calotte
Sur le mémoire présenté
Par les syndics de la Calotte,
Contenant que la gent falote
A si promptement augmenté,
Et pullule encore à toute heure,
Au point que notre continent
Ne suffit pas à sa demeure :
Il nous a paru pertinent,
D'envoyer une colonie
Aux climats que Jacques Sadeur
Découvrit avec grand labeur.
Octroyons à la compagnie,
Les îles, îlots et pays
Qu'arrose le Chimérois,
Fleuve immense, dont les péages,
Sans les sables de ses rivages,
Pourraient récompenser assez
Les fonds de nos intéressés.
Et voulons qu'ils fassent encore
La plantation d'ellébore,
À la charge d'en fournir gratis
À nos quarante beaux esprits.
Voulons aussi qu'à notre adresse
On envoie à chaque retour,
Mille perroquets pour la Cour,
Pour apprendre à notre jeunesse
Seulement à dire Bonjour ;
Item, singes octogénaires,
De grimaces vrais exemplaires,
Lesquels, au lieu du Sieur Baron
Formeront le geste et le ton
Des acteurs récipiendaires.
La compagnie aura ses lois,
Pourra nommer des vice-rois,
Pourra construire forteresse,
Timbrer papier pour ses richesses,
Et faire un nouveau Quinquempoix.
La flotte marchande et guerrière
Ne partira qu'à la chaleur,
Non de la saison printanière,
Mais quand les fèves sont en fleur,
Aura pavillon vert et jaune.
Pour amiral et conducteur,
Nommons Mathurin de la Beaune,
Expectatif ambassadeur,
Haut comme un pic, droit comme une aune,
Qui pensant humblement de soi,
N'eût espéré si haut emploi,
Mais que pour ses qualités rares,
À tous autres nous préférons :
Savant au milieu des ignares,
Libéral entre les avares,
Intrépide avec les poltrons,
Grave et gai, tendre et pathétique,
Mi-français et mi-musulman,
Portant calotte et doliman,
En bigarrures un homme unique,
Surtout noble, de race antique,
Lequel pourra, sans dire un mot,
Sur quelque plage solitaire,
Délaisser madame sa mère,
Fille du notaire Gigot,
Parentage dont la présence
Ferait rougir Son Excellence.
Du voyage il fera les frais,
A ses gens fera faire diète,
Sans que le Sieur de Lezonnette,
Puisse l'inquiéter jamais,
Sur dépens comptés et non faits.
Francine aura droit d'y conduire
Les sœurs de l'ordre de Vénus,
Maints temples y fera construire
Dont il aura les revenus
À titre de commanderie
Pour en jouir pendant sa vie,
Et Monsieur son fils, après lui,
Pour la croix qu'il porte aujourd'hui.
En outre nommons à l'escadre
Pour confesseur l'Abbé Margon,
Qui sera là comme en son cadre.
Houteville, le parangon
Des nouveaux maîtres en purisme
Fera, dans son joli jargon,
Aux matelots le catéchisme.
Ainsi faisons concessions
Desdits emplois de notre grâce,
Sans crainte aucune que l'on fasse
De nouvelles créations,
Ni que la finance payée,
En rente un jour soit remboursée.

 

Numéro
$4016





Références

1725, I,93-96 - 1726, 144 - 1732/1735, I,96-99 - 1752, I,96-99 - F.Fr.9353, f°127r-128v - F.Fr.15015, f°155r-157v - F.Fr.20036, p.122-26 - F.Fr.25570, p.288-91 - Nouv.Acq.Fr. 2485, f°45r-46r - Arsenal, 2935, f°238 - Arsenal, 3128, f°296v-298r - Arsenal, 3359, p.149-52 - BHVP, MS 663, f°91r-94v - BHVP, MS 664, f°173v-176v - Bordeaux BM, MS 693, p.529-31 - Bordeaux BM, MS 700, f°173v-177v - Lille BM, MS 62, p.121-27 - Lille BM, MS 65, p.395-401 - Lyon BM, MS 754, f°142r-143v - Ducatiana, I,114-15