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Épître à Mgr l’évêque de Fréjus

Épître à Monseigneur l’évêque de Fréjus1
Quelles nouvelles alarmes,
Ont encor saisi nos cœurs ?
Dieux, quand, touchés de nos larmes,
Cesserez-vous vos rigueurs ?
Sous le ciseau de la Parque
Languit ce jeune monarque
Qui doit bannir tous nos maux.
Arrête, Parque barbare,
Le coup que ta main prépare
Va creuser mille tombeaux.
De ce lis qui vient d’éclore
Quoi ! I’éclat va se flétrir !
Hélas ! une même aurore
Le verra naître et mourir !
Que pour garantir la vie
De cette plante chérie,
L’art épuise ses secrets.
Sa racine est desséchée
Et sur sa tête penchée
La mort a gravé ses traits.

Mais que vois-je ! dieux propices !
Nos pleurs suspendent vos coups.
Nos vœux et nos sacrifices
Désarment votre courroux,
Que l’heureux destin ramène
Sur les rives de la Seine
Un espoir presque perdu ;
France, que votre allégresse
Signale votre tendresse,
Votre roi vous est rendu.
Peuple, quand Louis échappe
Aux cruels traits de la mort,
Des élèves d’Esculape
Cessez de louer l’effort.
De l’École hippocratique
Et de la secte empirique
Je révère le savoir,
Mais leur science bornée
Jamais de la destinée
Ne balança le pouvoir.

Fleury, triste et solitaire,
Au pied des sacrés autels,
Sait mieux du destin contraire
Détourner les coups mortels.
Tandis que nos voeux coupables
Blessent les dieux implacables
Que nos forfaits ont lassés,
Sa piété vive et tendre
Aux Immortels fait entendre
Des vœux toujours exaucés.
Dans la douleur qui l’accable,
Louis voit tous s s aïeux
A notre sort déplorable
Intéresser tous les dieux ;
Frappés de nos cris funèbres
lls voient ces héros célèbres
Leurs immortels favoris
Protéger l’auguste reste
Des Charles et des Henry.

Toi, que depuis un lustre
Pleurent encore les François,
Grand prince, monarque illustre,
Tu fais entendre ta voix.
De ta magnanime race,
A peine le sort menace
Le rejeton précieux,
Qu’à ta prière il agrée,
Que son règne ait la durée
De ton règne glorieux.
Rois, vous êtes de la terre
Les arbitres souverains,
Aux yeux du Dieu du tonnerre
Vous n’êtes que des humains.
A son tribunal sévère
Le conquérant sanguinaire
Est un monstre furieux.
La gloire qui l’environne,
Son pouvoir qui nous étonne
N’est qu’un aimant odieux.

Louis, de ton rang suprême
Si nos yeux sont éblouis,
Tu charmes la vertu même
Qui voit un roi dans Louis ;
Pour rendre ton règne juste
Déjà sur ton trône auguste
Elle s’assied près de toi ;
Titus sera ton modèle,
Et de ton peuple fidèle
L’amour seul sera la loi.
Il est temps, ô triste France,
D’oublier tes maux passés ;
Le ciel a vu ta souffrance
Et Louis vit ; c’est assez.
Temples, ouvrez vos portiques
Que les célestes cantiques
Célèbrent notre bonheur,
Et que les nuits enflammées
De nos villes ranimées
Expriment la vive ardeur.

Que partout le travail cesse ;
Livrons-nous au doux repos ;
Ou plutôt que l’on s’empresse,
Que le vin coule à grands flots ;
Que l’art formant mille étoiles
Dissipe les sombres voiles
Qui cachent un ciel serein ;
Qu’un bruit guerrier retentisse
Et que le feu se vomisse
Par mille bouches d’airain.
Bergers, couronnez vos têtes ;
Accourez sous ces ormaux
Formez d’agréables fêtes
Aux doux sons des chalumeaux,
Et vous, naïves bergères,
Par mille danses légères,
Flattez d’innocents désirs.
N’oubliez pas que la joie,
Que le destin vous envoie
Est la mère des plaisirs.

Prélat à qui la sagesse
Confia l’illustre emploi
De cultiver la jeunesse
D’un auguste et puissant roi,
Vois l’ardeur de notre zèle
Lorsque le ciel le rappelle
A la lumière du jour.
Puissent ses longues années
Accomplir les destinées
Que présage notre amour !

  • 1 Autre titre: Sur l’heureux rétablissement de la santé de Sa Majesté (Clairambault)

Numéro
$0464


Année
1721




Références

Raunié, IV,67-72 - Clairambault, F.Fr.12698, p.107-11 - Maurepas, F.Fr.12630, p.435-40 - F.Fr.13655, p.479-84