Description des fêtes péliciennes [sic] célébrées au magasin de l'Opéra le 4 juin 1731
Description des fêtes péliciennes [sic] célébrées au magasin de l'Opéra le 4 juin 1731
La fine Pélissier, lubrique renommée,
Qui de lubricités toujours est affamée
Dans un réduit impur qu’on nomme Magasin
Un beau jour se trouva d’un bachique festin.
Voyant dans ce repas des bornes trop honnêtes.
Mais, dit-elle, est-ce ainsi qu’on célèbre des fêtes ?
Je veux vous divertir en vous contant mes tours.
Après avoir bien bu commença son discours.
Jadis d’un certain juif je me suis vue chérie
Son amour allait même jusqu’à la frénésie
C’était un vieux barbon, de ses membres perclus,
Mais en lui je trouvai les trésors de Crésus.
Chaque jour il donnait bijoux, autre richesse,
Et prenait le plaisir qui sied à la vieillesse,
Qui peu me convenait, mais de ses revenus
D’un vaillant substitut je payais les vertus.
Les caresses d’un juif me furent odieuses,
J’en craignais en secret les suites dangereuses.
Un chacun murmurait de ce désordre affreux.
Le Parlement le vit, mais il ferma les yeux.
Le galant s’aperçut de ma scélératesse,
Enrageant, mais en vain, de sa sotte faiblesse,
Au Palais m’appela, présenta des placets.
L’injustice à la main, je gagnai mon procès.
L’extravagant, piqué de cet affront extrême
Se promit d’en tirer vengeance par lui-même.
La cour de Parlement surprit le pauvre sot,
Par un arrêt de mort le punit du complot.
Mercure fut le Dieu de la galanterie,
Il était le soutien de la friponnerie.
Messieurs du Parlement l’imitent aujourd’hui
Par un arrêt publiq (sic) s’en déclarent l’appui.
Par ces dignes exploits j’assurai ma mémoire.
Faites tous vos efforts pour trouver cette gloire
Et que ce jour enfin soit le jour glorieux
Qui nous fasse admirer chez nos derniers neveux.
Qu’à mon illustre ardeur chacun de vous s’unisse ;
D’honneur et de vertu faisons un sacrifice.
Ces lieux incestueux sont exempts de leurs lois,
De la volupté seule ils écoutent la voix.
Pour nous-mêmes, c’est peu qu’un plaisir légitime,
Et pour en inventer, allons jusques au crime.
Nous y pourrons trouver quelques plaisirs nouveaux.
Poussons donc la débauche aux degrés les plus hauts.
Mais qu’aperçois-je ? En vous votre froidure redouble.
Serait-ce la pudeur qui causerait ce trouble ?
Craindriez-vous le blâme ou quelques ennemis ?
À l’abri de l’envie ici tout est permis.
Ne connaissez-vous pas cette école de vices
Où l’on fait jour et nuit de charmants exercices ?
Séminaire nouveau de sexe féminin,
Nommé communément sérail sulpicien.
C’est là qu’un fin cafard entretient des fileuses
Du bien qu’il peut tirer des âmes généreuses,
Prétextant dans le jour travaux pleins de vertus,
La nuit, leur fait goûter les plaisirs de Vénus.
À suivre ce modèle ici tout vous engage,
Nos doux amusements, c’est le libertinage,
Et dans ce beau sérail comme pour magasin
Gruer en directeur nous prête son soutien.
Peut-être direz-vous qu’il n’est pas moliniste,
Qu’il n’a point réfuté le parti janséniste,
Qu’on doit compter pour rien le bras du magistrat
Quand on n’a pas gagné l’oreille du prélat.
Récit
Lison sur un sofa se jeta toute nue
Et dit en exposant ses fesses à leur vue,
Cherchez là du plaisir, abandonnez ces lieux
Où le mal est certain et le plaisir douteux.
Imitez donc par là ce reste de Sodome
Puisqu’il veut sous ses lois ranger tout le royaume,
Rendons-nous-en plutôt à son autorité
Car il fait tout trembler au nom de Société.
C’est ainsi qu’il nous faut signer le Formulaire
Sans même approfondir le nœud de ce mystère.
Il ne manquerait plus aux fils de Loyola
Que d’avoir en leur corps les filles d’Opéra.
Par là nous gagnerons du prélat l’indulgence,
De la magistrature entière complaisance.
Alors en adoptant ce sacré comité
Nous jouirons en paix de même liberté.
Je ne vous parle ici qu’en bonne politique
Et sans vouloir gêner votre sens schismatique.
Mais voyez ces attraits, que tout en fasse autant,
Que chacun sur son choix décide promptement.
Chœur
La Constitution emporte la balance
Faisons-lui tour à tour notre humble révérence,
Ce fait après avoir tout bien considéré
Du doigt, du nez, des yeux et de notre bon gré.
Récit
Mais par où terminer cette fête pompeuse
Disait la Camargo, la célèbre danseuse,
En suivant le modèl de la Pélissier
Je m’en vais vous donner un plat de mon métier.
Chanteuses, entonnez quelques chansons bachiques
Pour moi j’y répondrai par des danses lubriques.
On donne à l’Opéra les jeux vénitiens
Célébrons en ces lieux les jeux péliciens.
Lorsqu’on peut tout oser, craindre est une faiblesse.
Allons, bouquins en rut, montrez votre allégresse.
Préparez donc les jeux, allumez les flambeaux,
Et pour qu’ils soient connus qu’on ouvre les rideaux.
Description
Déjà pour célébrer ces nocturnes orgies
L’on aperçoit briller la clarté des bougies.
Déjà l’on entendait quelques chœurs effrénés
De bacchantes en feu, de ribauds forcenés.
Lorsque la Camargo se montrant toute nue,
Ah ! pour les spectateurs quelle agréable vue !
Fit voir à qui voulut ce lieu plein de beautés
Que l’on prive du jour sans l’avoir mérité.
De moment en moment, en postures charmantes
Elle lui fit changer des formes différentes
Sa gorge par son poids flottant également
Se pressait, s’éloignait par un doux mouvement.
Elle montrait ainsi le feu de la jeunesse
De ses reins trémoussant la force et la souplesse
Quand par un entrechat battu, genoux ouverts,
Elle fit voir ce qu’on… ne saurait dire en vers.
Après vint un ballet de même caractère
De quelqu’avanturière du pays de Cythère
Ces écoliers étaient dignes du grand Blondy
Et la fête finit par le chœur que voici.
Chœur
Commissaires, exempts, inspecteurs de police,
Songez à respecter les reines de coulisse.
Nous avons accepté la Constitution
Elle nous a donné à tous permission.
Jansénistes, ainsi révoquez votre schisme
Et venez accepter les lois du molinisme.
La Cour et tout Paris ont levé le bandeau.
Comme lui, comme nous, suivez même drapeau.
Clairambault, F.Fr.12701, p.119-126 - Maurepas, F.Fr.12632, p.351-56 - F.Fr.15146, p.1-13
Erange confusion de trois thèmes distincts: scandale au magasin de l’Opéra; affaire Pélissier Dulis; jansénisme contre le prétendu laxisme moliniste