Vers d’un soi-disant jésuite adressés au roi
Vers d’un soi-disant jésuite adressés au roi
L’arrêt qui m’affranchit du vœu de pauvreté,
Sire, me livre en proie à l’indigence extrême
En m’ôtant les honneurs de la mendicité
On me fait éprouver la mendicité même.
Dans cette dure extrémité
Je demande un conseil à Votre Majesté.
Il me prend parfois quelque envie
D’augmenter sur le Main le nombre des soldats
Qui vous ont consacré leur vie.
Eh, qui sait si dans les combats
Par quelque coup heureux décidant la victoire
Je n’irai point un jour me placer dans l’histoire
À côté du preux Nicolas1 ?
Oui, oui, sauvons l’État et montrons que ce bras
Qui longtemps a béni, peut frapper comme un autre…
Mais grand Roi, ma couronne, hélas !
M’empêche aux champs de Mars de défendre la vôtre
Et répandre du sang pour un prêtre est un cas
Que même Busenbaum2 ne me passerait pas.
Ce soi-disant est un pauvre homme
Dira Louis ; eh bien, si les canons de Rome
Le rendent inhabile à massacrer les gens,
Au lieu d’exterminer l’armée hanovrienne
Que ne va-t-il parler au prélat d’Orléans3 .
Ah, sire, qu’à cela ne tienne :
Rhéteur, prédicateur4 , parler est mon emploi
Je parlerai longtemps, je parlerai sans peine
Mais (sauf meilleur avis) je crois
Qu’un petit mot de la bouche du Roi
Fera plus que cent de la mienne.
- 1Frère jésuite, fameux guerrier et conquérant du Paraguay, suivant la Gazette ecclésiastique (M.).
- 2Casuiste allemand, justement décrié (M.).
- 3Ce prélat a la feuille des bénéfices (M.).
- 4L’auteur, prédicateur de la Dominicile à Rennes en Bretagne, y professe la rhétorique dpeuis la dispersion des jésuites (M.).
Journal encyclopédique, décembre 1763, t.VIII, Part.II, p.121-22
D.M.J, à Rennes, le 2 juillet 1762