Brevet d'agent du Régiment de la Calotte expédié en faveur du Sr Simon, couvrier de la Sorbonne et de l'université
Brevet d’agent du Régiment de la Calotte expédié en faveur
du Sr Simon, ouvrier de la Sorbonne et de l’université.
Les principaux du Régiment
Du dieu qui porte la marotte,
Qui donne avec sain jugement
Au vrai mérite la calotte,
Aujourd’hui se sont assemblés
Pour nous faire leur remontrance
Sur un sujet de conséquence.
Nous les avons donc écoutés,
Car il est de grande importance
De recevoir tous les avis,
Et s’ils sont bons, qu’ils soient suivis.
Celui qu’aujourd’hui on nous donne
Est de choisir une personne
Dont le mérite et le talent
Conviennent au poste d’agent.
Cette charge est bien nécessaire
Et deviendra très salutaire
En empêchant nos officiers
En courant d’user leurs souliers.
Quelques-uns en seront très aises,
D’autant que pour solliciter
Il leur faut beaucoup dépenser
En fiacres et porteurs de chaises,
À régaler bien des commis,
À contenter de leurs louis
L’insatiable secrétaire
Ou d’un juge ou d’un rapporteur.
D’ailleurs beaucoup ont le malheur
De n’entendre pas leurs affaires
Et de chercher bien des mystères,
Si bien que pour les soulager
Il est important d’ériger
Un agent en titre d’office
Qui soit exact à son service.
À ces causes, Maître Simon,
Petit homme de grand renom,
Aura sur tous la préférence,
Car c’est à lui que nous donnons
L’importante et pénible agence
Qu’en titre nous établissons
De cette place merveilleuse.
Il saura très bien s’acquitter,
Quoique déjà le messager
De l’université fameuse
De Paris et de sa cité.
Ces emplois seront compatibles
Quoiqu’ils soient tous deux très pénibles.
Mais avec son activité
Il prendrait vingt messageries
Qu’elles seraient par lui remplies.
Dans Paris avec gravité,
Lorsque le recteur se promène,
Qu’avec lui Simon il mène ;
Simon y paraît tout crotté
Et cela pour être conforme
À cette pauvre uniforme [sic]
Qu’affecte l’université.
C’est de notre roi la fille aînée
Et dame toujours bien crottée.
Ainsi donc sur la probité
De Simon et sa vigilance
Nous comptons avec confiance,
Comme sur son agilité.
L’on ne verra point de voiture
Ni de frais de cette nature
Employés sur son bordereau.
Il sait lutter contre la crotte,
Qu’il fasse laid, qu’il fasse beau,
Rien ne l’arrête quand il trotte,
À moins qu’il ne trouve en chemin
Quelqu’ami pour boire chopine.
Au reste, il court, il va son train.
Il est vrai qu’il n’a pas grand mine.
Sa figure n’impose pas.
Mais qu’importe, il n’est jamais las,
Il marche comme un dromadaire.
Dans un matin on lui voit faire
De la ville les quatre coins.
Enfin rien n’échappe à ses soins.
On sait quand il parle d’affaire
Qu’il bredouille pour s’expliquer.
On ne peut souvent le comprendre,
Il a peine à se faire entendre,
Mais bien loin de l’en mépriser,
Il faut sur ce point l’admirer.
Car dans ce qu’il veut entreprendre,
Il ne sait point se rebuter.
Rien ne l’effraie ni l’étonne.
Il sollicite vivement,
Parle selon son jugement,
À tort à travers il raisonne.
Il donne sa solution :
Qu’elle soit ou mauvaise ou bonne,
Il faut toujours qu’il ait raison.
Ces talents réunis ensemble
Dans un seul et même sujet
Méritent calotte et brevet.
Car dans sa personne il rassemble
Les vertus d’un vrai calotin
Dont l’esprit est rondement fin.
Nous lui donnons pour honoraires
Tous les ans quatre mille francs
À prendre sur les excédents
Que donnent certains mousquetaires
Aux fiacres qui les ont menés
Au-delà de vingt sous par heure.
Et pour payer ses déboursés
Nous ne serons point en demeure.
Ils seront pris sur d’autres fonds
Qu’à l’instant nous inventerons.
Ainsi, nous lui donnons à prendre
Ses gages sur un fonds certain.
Ne voulons pas le faire attendre
Un instant pour les recevoir.
Comme il fera bien son devoir
Ils tiendront lieu de récompense.
Mais pour rembourser ses avances,
Son mémoire il nous fournira,
Que sans examen l’on paiera,
Comptant qu’il sera raisonnable.
Quoiqu’il soit des meilleurs piétons,
À ce compère indécrottable
Sans hésiter nous permettons
Qu’il puisse se servir des ailes,
Des plus grandes et des plus belles,
De nos plus fameux papillons.
Donné dans le camp des girouettes
Le jour et an non désignés,
Car les patentes sont complètes
Quand les sceaux y sont appliqués.
F.Fr.15014, f°83r-88r - Lille BM, MS 65, p.130-38