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Le cas privilégié

Le cas privilégié
Près de Toulon, pays de continence,
Sont cordeliers de l’étroite observance ;
En fait d’amour peut-être un peu vauriens,
Au demeurant bons et parfaits chrétiens.
L’un d’eux lorgna paysanne gentille,
La convoita, lui conta ses besoins
Et lui prouvait après les premiers soins
Que gros péchés n’étaient que peccadille.
Notre curé, lui répondit la fille,
Nous le dit onc. Il ne le fait pas moins
Répart le moine, et traits de catéchisme
Ne sont toujours exemples de curé,
Ou bien par lui le cas est ignoré,
Et le contraire est le pur jansénisme
Qu’arrêt fameux a proscrit depuis peu.
Le jeu d’amour ne fut jamais qu’un jeu.
Père Girard en a fait son affaire.
Si prêtre fut, ce qu’un saint homme fit,
Tout ce péché s’efface et se guérit
En récitant la moitié d’un rosaire.
La jeune Aix au bout de son latin
Dit au paillard de revenir demain.
D’abord après, la finette femelle
Rapporte tout à son berger fidèle
Et sont d’accord avec Martin Bâton
De réfuter le moine et son sermon.
Dès le matin le galant se transporte
Chez notre Alix, la croit seule et sans bruit
S’abandonnant à l’ardeur qui l’emporte
De ses leçons lui demandait le fruit.
Bientôt Amour prélude. La commère
Donne un signal quand le moine est en rut.
Martin Bâton avec l’amant parut.
Un revenant eût moins frappé le père.
Je vous y prends, eh quoi, Frère Frappart
N’est point jésuite et ferait le Girard ?
Portez ailleurs vos leçons sacrilèges.
Pour Codeliers ne sont les privilèges.
Ainsi parlait Lucas et le rinça
Tant qu’à la fin sa colère cessa.
Frère Frappart ayant reçu son compte
Vint au couvent avec sa courte honte.

Numéro
$1912


Année
1731




Références

F.Fr.23859, f°78 avec grandes variantes par rapport au suivant - F.Fr.238560 f°145v-146r -  Turin, p.231-32