Chanson
Chanson
Un vieux jésuite confessait
La jeune Célimène.
L’impudique la convoitait,
Elle en valait la peine.
Pour corrompre sa chasteté
Ce satyre à trois cornes
Qu’a vomi l’Enfer, s’est jeté
A des excès sans bornes.
Pour la séduire il lui prêchait
Le flatteur quiétisme,
A ses doutes il opposait
L’indulgent molinisme,
Et par le secours du démon
Ce directeur impie
Empruntait l’enchanteur poison
Qu’inventa la magie.
Le scélérat ensorcelait
Sa faible pénitente
Au point qu’elle s’imaginait,
Cette pauvre innocente
D’être au rang, par distinction,
Des saintes qu’on invoque
Et d’avoir plus de visions
Que Marie Alacoque.
Un jour qu’il s’était enfermé
Dans sa chambre avec elle,
D’une vive ardeur enflammé
Il lui disait, Ma belle,
Mon ange, vous devez songer
Que je suis votre père.
Vous ne courez aucun risque,
Il faut me laisser faire.
La belle à ce discours pressant
Rougit, fut interdite.
Il profite de ce moment
Sans en prévoir la suite.
Mais hélas ! la suite bientôt
Et cette infortunée
Fit sentir que ce faux dévot
L’avait déshonorée.
Un noir chagrin la dévorait,
Mais le sorcier habile
Par un diabolique secret
La rendit plus tranquille.
Cependant elle maudissait
Le lascif loyoliste
Et sitôt qu’elle le voyait
Elle prenait la fuite.
Au mépris des plus saintes lois
Pour contenter sa flamme,
Combien de crimes à la fois
A commis cet infâme ?
Horrible abus des sacrements !
Inceste, sacrilège,
Séduction, avortement,
Recours au sortilège.
Vous, qu’un roi puissant a commis
Pour venger l’innocence,
Prenez de la sage Thémis
Le glaive et la balance.
Ne tardez point de condamner
Aux plus affreux supplices
Un démon. L’univers entier
Vous demande justice.
Du Père Girard l’avocat1
Par sa rare prudence
A tâché de ce scélérat
De prouver l’innocence
Des moyens qu’il a publiés
On ferait un volume
Mais comment a-t-il oublié
De citer la coutume ?
- 1Ce dernier couplet ne se trouve que dans Castries.
F.Fr.15020, f°279r-282r - F.Fr.23859, f°43 - BHVP, MS 602, f°218r-219r - Mazarine Castries 3985, p.88-91 avec un couplet supplémentaire