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La pompe funèbre du Régent

La pompe funèbre du Régent1
Véridique Moyencourt,
Habitant involontaire
De ce grotesque séjour
Où tout se voit à faux jour,
Mais que le badaud révère
Sous le beau nom de la cour,
Encor huit jours, et j’espère
Te voir ici de retour.
A la cour que voit un sage ?
Rien que fantômes marcher,
Se dresser et se pencher
Plus vite que le nuage
Qui se dissipe au toucher.
Tous, caustiques que nous sommes,
La ville a pour nous des hommes
Quand nous les voulons chercher.
N’ayant à faire autre chose
Hier, je vis, Dieu merci !
Le spectacle qu’à nuit close
Saint-Cloud renvoyait ici2 .
Spectacle fort bien servi,
Bien éclairé, bien suivi ;
Grand tintamarre de cloches,
Maints bourgeois dans les ruisseaux,
Maints filous guettant les poches,
Maints pages de leurs flambeaux
Frisant crins, brûlant chapeaux ;
Le guet avec grand’prudence,
Disant aux bavards : Silence !
Les officiers du défunt
En crêpe et manteaux d’emprunt,
Son corps suivi comme l’Arche
De lévites gras et frais :
Cent pauvres allaient après.
Mais si tous ceux qu’il a faits
Étaient entrés dans la marche,
Huit jours n’auraient pas, je crois,
Suffi pour voir le convoi.

  • 1Autre titre: Lettre de M. Roy à M. de Moyencourt, écuyer chez le Roi sur le convoi de M. le duc d'Orléans à Saint-Denis, le 16 décembre 1723. (Arsenal 2962)
  • 2Jeudi 16 décembre. — Le corps du duc d’Orléans a passé au travers de Paris en pompe funèbre, à dix heures du soir, pour être porté à Saint‑Denis. Il y avait une foule de peuple et on n’a jamais entendu dire tant de sottises. Son cœur, quelques jours auparavant, avait été porté au Val‑de‑Grâce, on demanda à un laquais s’il avait vu passer le cœur : « Non, dit‑il, mais j’ai vu passer son âme par la rue d’Enfer. — Mot de laquais. » (Journal de Marais.) (R)

Numéro
$0552


Année
1723

Auteur
Roy



Références

Raunié, IV,270-71 - Clairambault, F.Fr.12699, p.73-74 -Maurepas, F.Fr.12631, p.111-12 -  Arsenal 2962, p.200-02 - Arsenal 3231, p.651-52