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Sans titre

Or écoutez, petits et grands,

L’histoire de deux garnements,

Tous deux vrai gibier de potence.

Ô Ciel, je frémis quand j’y pense.

Ils méritent plus que cela,

Personne n’en disconviendra.

 

L’un est un grand blasphémateur,

Encore plus grand empoisonneur,

Le mari de ses propres filles ;

Il mérite bien qu’on le grille

Dessus des charbons bien ardents

Pour en jeter la cendre au vent.

 

L’autre est le plus grand des filous

Qu’on ait jamais vu parmi nous,

Ni dans pas un lieu de la terre.

Il s’est enfui de l’Angleterre

Pour éviter la pendaison

Qu’on lui préparait tout de bon.

 

Après avoir rôdé partout

Sans avoir pu venir à bout

De rencontrer un seul asile,

Il s’est sauvé dans cette ville

Où d’abord fut reçu très bien

Par cet autre premier vaurien.

 

Ils ont toujours vécu depuis

Comme deux intimes amis,

Et d’une concordance extrême

Ils ont forgé ce beau Système,

Si commode aux banqueroutiers

Aux dépens des pauvres rentiers.

 

Par leurs drôles d’inventions

Qu’ils appellent des actions,

Mais qui ne sont pas des plus belles.

Ils ont vidé nos escarcelles

Sans avoir rien laissé dedans

Tant ils ont l’appétit gourmand.

 

Pour nous empêcher de crier

Ils nous ont donné du papier,

Et du vrai papier d’Angoulême.

Avec ce plaisant stratagème

Ils ont engoulé notre argent

Nous n’en gouleront que du vent.

 

Ce sont ces deux honnêtes gens

Qui depuis environ cinq ans

Ont pillé toutes nos provinces

Sans que pas un seul de nos princes

Ait fait mine de s’en fâcher

Je crois qu’ils sont ensorcelés.

 

Quelqu’un a dit qu’ils sont de part

Avec ces méchants pendards ;

Mais pour moi je ne l’ai pu croire.

Ils sont trop jaloux de leur gloire

Pour s’entendre comme larrons

Avec ces maudits fripons.

 

Quoi qu’il en soit, laissons cela.

Peut-être Dieu les touchera

Et leur fera voir leur offense

D’avoir laissé manger la France

Par ces deux enragés gloutons,

Et revenons à nos moutons.

 

Que dis-je ? ce sont de vrais loups,

Et même de vrais loups-garous,

Pires que tigres et panthères,

Que crocodiles et vipères.

Bientôt ils nous mangeront tous

Si nous ne prenons garde à nous.

 

Rien ne s’est sauvé de leurs mains

Que les filous et les putains,

Les maquereaux et la canaille,

Et tous les autres rien qui vaille.

Mais n’en soyez point ébahis,

Ces gens-là seuls sont leurs amis.

 

Pour nous faire mieux enrager

Ils ont bien voulu partager

Quelque chose de leurs rapines

Avec cette infâme vermine

C’est ce qui rend tous ces fripons

Presque aussi fiers que leurs patrons.

 

L’on ne voit plus que chars dorés

Courant comme des enragés,

Remplis d’impudentes carognes.

On trouve partout des ivrognes,

Des voleurs et des mal vivants

Qui massacrent impunément.

 

Notre timide parlement

Voulant arrêter ce torrent

S’est fait reléguer à Pontoise.

Même on dit qu’ils lui cherchent noise

Pour l’envoyer beaucoup plus loin

S’ils n’approuvent tous leurs larcins.

 

Or prions Dieu pour notre Roi ;

Il en a grand besoin ma foi

Car son royaume et sa couronne

Et même sa propre personne

Sont dans un danger évident

Avec ces infâmes brigands.

Numéro
$7268


Année
1721




Références

BHVP, MS 670, 41v-43v