Aller au contenu principal

Sans titre

Qu’il est heureux, notre ami Bêche1 ,

Ah ! qu’il possède un joli bien !

Moulin, four, pressoir, chasse et pêche,

A son fief il ne manque rien.

C’est là que le trop heureux Bêche,

Comblé des faveurs du destin,

Vit content, et bêche, bêche,

Vit content et bêche son jardin.

Sous deux jolis rochers d’albâtre,

L’amour aiguise tous ses traits,

Une butte en amphithéâtre

Couronne un vallon toujours frais,

C’est là que le trop heureux, etc.

Un galant bosquet, de son ombre

Couvre un joli petit château,

Dont l’entrée est étroite et sombre,

Mais l’amour y tient son flambeau ;

c’est là, etc.

Une pompe à simple sculpture

Dont l’amour conduit le travail,

Fait jaillir une source pure

Dans une conque de corail.

C’est là que puise l’ami Bêche

Pour arroser soir et matin

Le terrain qu’il bêche, bêche, bêche,

Le terrain qu’il bêche en son jardin.

Mais ce jardin où règne Flore,

Où brille la rose et le lys,

On ne l’a vu produire encore

Que des fleurs et jamais des fruits :

Redouble d’ardeur, ami Bêche,

Il faut que Pomone ait son tour :

Force coups de bêche, bêche, bêche,

Force coups de bêche nuit et jour.

Je n’ai qu’ébauché la peinture

Des beautés du petit château.

Que j’en ferais d’après nature

Un fidèle et charmant tableau !

Mais l’amour ne permet qu’à Bêche

L’accès de ce réduit divin,

Et lui seul en bêche, bêche, bêche

Et lui seul en bêche le jardin.

  • 1Madame Bêche, épouse d’un musicien du Roi, avait donné de l’ombrage à Madame du Barry, qui s’en était vengée en lui faisant subir plusieurs humiliations. Elle n’a cessé d’éprouver que les attraits d’une femme sont souvent pour elle une source de malheurs. Un de nos jeunes princes fut surpris, il y a quelque temps, dans une des salles du château de Versailles, au moment où il pressait cette femme de la manière la plus vive et la plus énergique de répondre à ses feux. La célébrité que ces aventures ont procurée à Madame Bêche, donne quelque intérêt à ces couplets que l’on attribue à un personnage distingué (Correspondance secrète)

Numéro
$6211


Année
1775




Références

Correspondance secrète, t.I, p.211-12