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Sans titre

Du jeu de piquet de l’Europe
Qui se joue dans cet univers,
Comme je l’ai écrit en vers,
Il faut que je le développe
Sur les nations des potentats
Qui sont de différentes états,
Soit de la France ou de l’Allemagne,
De la Pologne et la Savoie,
De Saxe et même aussi d’Espagne,
En jouant pour l’honneur des rois.

Excusez-moi si je chansonne
En parlant du jeu de piquet ;
Je ne prétends pas de choquer
Les puissances ni les couronnes.
On sait qu’il se joue dans les cours
Et dans le commun tous les jours.
C’est un jeu qui est agréable,
On ne peut pas dire autrement.
Il est aussi beau, raisonnable,
Quand on en sait le règlement.

Le Français jouera pour la France,
Et l’Allemand pour l’Empereur.
Pour jouer la partie d’honneur
Le Français est fort en puissance.
Il se voit un beau jeu en main
Pour jouer au-delà du Rhin.
Son jeu n’est point fort en balance
Il tient beaucoup de coeurs pour lui
Ayant déjà le point d ‘avance
Il pourra gagner la partie.

L’Allemand fortement se pique
Dans le jeu n’a pas grande joie
Comme il lui manque quelques rois
De quoi il a assez de pique
Mais il n’a jamais bonne entrée
Il demande pour écarter
Le Français, son jeu le flatte
En tenant tous les cœurs en main
Il veut jouer ses belles cartes
De ce jeu sachant le dessein.

L’Espagnol vient aussi se mettre
Au jeu avec le Savoyard,
Pour gagner se sont mis au hasard
Entre eux deux leur font connaître
L’un tire au quatorze de rois
Et l’autre une quinte il se voit
Dedans le jeu ont l’avantage
Espérant dessus la partie
Ayant fait un fort beau carnage
Au Milanais pour l’Italie.

Le Saxon est dessus ses gardes
En étant de ce jeu aussi,
Et le Polonais près de lui
Très sur son jeu il se regarde
La carte qu’il pourra jouer,
Ne se laissant point enjouer
En jouant la meilleure place.
Le Polonais veut avoir droit
Et quoiqu’il ait des cartes basses
Espère beaucoup sur son roi.

Le Suédois ne sait que faire
S’il doit jouer quelque partie.
S’il en veut croire ce qu’on en dit
Il ne joue point beaucoup l’hiver.
Il pourrait bien avoir envie
De jouer contre la Moscovie
Mais pour cela il veut attendre
Encor un ou deux mois de temps
Et qu’il pourra bien entreprendre
De jouer étant au printemps.

Le Prussien voudrait bien en être,
Pareillement le Bavarois
Pour jouer à tort ou à droit
Mais craignant trouver leur maître
Ont beaucoup de points à risquer
D’entrer dans le jeu du piquet
Et tous les cercles de l’Empire
Ne trouvent pas fort à propos
Ayant crainte qu’on pourrait dire
En jouant qu’il serait capot.

Les Hollandais hauts en puissance
Suivent le conseil des États,
Fait savoir qu’il ne jouera pas
Soit pour l’Empire ou pour la France
En se souvenant du traité,
Aussi de la neutralité,
Mais si on veut lui faire place
Il regardera avec soin
Pour regarder ce qui se passe
Et qu’il servira de témoin.

L’Anglais se tient dans l’équilibre :
Pour jouer il répond que non
Ne voyant pas le jeu trop bon.
Pour cela il veut rester libre
Sans vouloir prendre des cartes en main,
Il met les affaires à demain
Il ne voit aucune apparence
Qu’il voudra jouer en partie.
Si auprès du jeu il s’avance
C’est pour être témoin aussi.

 

Numéro
$3829


Année
1734




Références

F.Fr.12675, p.157-63 - F.Fr.15137, p.159-64 - Arsenal 2934, p.181 - BHVP, MS 658, p.117-22


Notes

Versifiée, rare exemple de situation internationale vue comme une partie de piquet. En revanche, le procédé est fréquemment pratiqué en prose.