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Chanson sur l'Allure

Chanson de l’allure1

Du bon Jacques Forbin,

Mon cousin,

Veux-tu savoir l’histoire ?

C'est un vrai quichotin,

Mon cousin,

Qui pourchasse la gloire,

Mon cousin.

Voilà, mon cousin, l’allure,

Mon cousin,

Voilà, mon cousin l’allure.

 

Arles mourait de faim,

Mon cousin,

Dans sa dure indigence ;

Et Jacques au lieu de pain,

Mon cousin,

Lui baille une indulgence,

Mon cousin, etc.

 

Un si maigre festin,

Mon cousin,

Rendrait ta face blême,

Mais le régime est sain,

Mon cousin,

Pour la fin du Carême,

Mon cousin, etc.

 

Pour ce pieux dessein,

Mon cousin,

Tout allait à miracle,

Mon cousin,

Lorsque l’esprit malin

Mon cousin,

Y fit naître un obstacle,

Mon cousin, etc.

 

Le saint papa romain,

Mon cousin,

Avait sonné sa Bulle.

Mais un sénat hautain

Mon cousin,

Voulait la rendre nulle,

Mon cousin, etc.

 

Pour aller son chemin,

Mon cousin,

Jacques écrit au ministre ;

Mais, ô cruel destin !

Mon cousin,

La réponse est sinistre,

Mon cousin, etc.

 

Ainsi d’un ton malin,

Mon cousin,

La clique jansénienne,

N’annonçait pas en vain,

Mon cousin,

Cette fatale antienne,

Mon cousin, etc.

 

Que faire donc enfin,

Mon cousin,

D’une poire trop mûre ?

Ton jubilé, Forbin,

Mon cousin,

Sentait la moisissure,

Mon cousin, etc.

 

Oui, tel qu’un Job malsain

Mon cousin,

Jacques était las d’attendre ;

S’il avait le farçin

Mon cousin,

Qu’il ferait beau l’entendre,

Mon cousin, etc.

 

Oh, de ce train de chien,

Mon cousin,

Sot qui trop se chagrine ;

Un Janson de Forbin,

Mon cousin,

N’est point un Jean-Farine,

Mon cousin, etc.

 

Son cœur, dit-il, tout plein,

Mon cousin,

Sortant de la prière,

Du mandement soudain

Lui rota la matière,

Mon cousin, etc.

 

Par la céleste main,

Mon cousin,

Son jubilé s’arrange

Au temps qu’on fait le vin,

Mon cousin,

Ô la sainte vendange,

Mon cousin, etc.

 

Il n’est que trop certain,

Mon cousin,

Il n’en fait pas mystère,

Qu’on peut traiter Forbin,

Mon cousin,

De brouillon téméraire,

Mon cousin, etc.

 

Mais il ira son train,

Mon cousin,

Moyennant qu’à Dieu plaise,

Le pur zèle en son sein,

Mon cousin,

Brûle plus chaud que braise,

Mon cousin, etc.

 

Donc pour courir au gain,

Mon cousin,

De la sainte indulgence,

Il va d’un triple frein,

Mon cousin,

Brider la conscience,

Mon cousin, etc.

 

Notamment, retiens bien,

Mon cousin,

Que l’Unigenite Bulle

Est de tout bon chrétien,

Mon cousin,

De la foi la formule,

Mon cousin, etc.

 

Par fait, par dits, par sing [sic]

Mon cousin,

Si tu la contrarie,

Sans qu’on te dise rien,

Mon cousin,

Crac, on t’excommunie,

Mon cousin, etc.

 

Dans le même lien,

Mon cousin,

Tout de suite on s’enfile,

Quand comme un vrai païen,

Mon cousin,

On appelle au concile,

Mon cousin, etc.

 

Ainsi va le refrain,

Mon cousin,

De l’Eglise enseignante ;

Tu n’es qu’un publicain,

Mon cousin,

Si ta voix ne le chante,

Mon cousin, etc.

 

Quelqu’un soit atteint,

Mon cousin,

De ne pas s’y résoudre ;

C’est profaner le saint,

Mon cousin,

De sciemment l’absoudre,

Mon cousin, etc.

 

Voilà, conclut Forbin,

Mon cousin,

Du salut l’Evangile,

N’en pas voir tout le fin,

Mon cousin,

C’est être pis que Gille,

Mon cousin, etc.

 

Cependant sur ce point,

Mon cousin,

Fleury même radote ;

Jacques n’en doute point,

Mon cousin,

Il en sait l’anecdote,

Mon cousin, etc.

 

Quoi, voir d’un œil chagrin,

Mon cousin,

Son gentil Formulaire !

Il n’était pas devin,

Mon cousin,

Et n’avait pu mieux faire,

Mon cousin, etc.

 

Quittons le ton badin,

Mon cousin,

La lettre circulaire

Vient d’un cerveau malsain,

Mon cousin,

Fleury seul l’a pu faire,

Mon cousin, etc.

 

Il rend le souverain,

Mon cousin,

À lui-même contraire,

Et le sot écrivain,

Mon cousin,

Conduit mal son mystère,

Mon cousin, etc.

 

Jacques est bon logicien,

Mon cousin,

Vertu, comme il l’attaque !

Son avis est le mien,

Mon cousin,

Oui, j’opine avec Jacques,

Mon cousin, etc.

 

Mais le trait assassin,

Mon cousin,

C’est d’avoir vu proscrire

Et La Fare et Tencin,

Mon cousin,

Par le Roi notre sire,

Mon cousin, etc.

 

En bon suppôt romain,

Mon cousin,

Jacques alarmé s’écrie :

Nous allons le chemin,

Mon cousin,

De la suprématie,

Mon cousin, etc.

 

Le corps épiscopin,

Mon cousin,

Dans ce danger extrême,

Se voit près de sa fin,

Mon cousin,

S’il ne suit son système,

Mon cousin, etc.

 

Son avis, tout Doucin,

Mon cousin,

C’est que dans ce désordre,

En sonnant le tocsin,

Mon cousin,

On doit ramener l’ordre,

Mon cousin, etc.

 

C’est un mal pour un bien,

Mon cousin,

Car par la tolérance,

Le parti jansénien,

Mon cousin,

Culbutera la France,

Mon cousin, etc.

 

Un présage certain,

Mon cousin,

Annonce sa culbute ;

C’est ce sénat mutin,

Mon cousin,

Qui contre son Roi lutte,

Mon cousin, etc.

 

Sur ce fait d’un faquin,

Mon cousin,

Bel esprit et poète,

Il cite un beau neuvain,

Mon cousin,

C’est là son grand prophète,

Mon cousin, etc.

 

Il n’aperçoit plus brin,

Mon cousin,

De la vigueur gauloise ;

Il faudrait à Forbin,

Mon cousin,

Une guerre albigeoise,

Mon cousin, etc.

 

Condé, ce consanguin,

Mon cousin,

De la Maison royale,

Comme oracle divin,

Mon cousin,

Suivait la voie papale,

Mon cousin, etc.

 

Suivons, suivons bon train,

Mon cousin,

Sa glorieuse route,

Royaume ultramontain,

Mon cousin, etc.

 

Que Jacques aimerait bien,

Mon cousin,

À souffler sa doctrine,

Au cœur du jansénien,

Mon cousin,

Qu’il porte en sa poitrine,

Mon cousin, etc.

 

Il n’en fait pas le fin,

Mon cousin,

Sa révolte est réelle ;

Mais la révolte enfin,

Mon cousin,

N’est que matérielle,

Mon cousin, etc.

 

Ce distinguo malin,

Mon cousin,

N’est pas une chimère ;

Car le Roi, dit Forbin,

Mon cousin,

N’est pas son ministère,

Mon cousin, etc.

 

Le pasteur arlequin,

Mon cousin,

Ne pouvait pas se taire,

Quand le Romain bénin,

Mon cousin,

Exauçait sa prière,

Mon cousin, etc.

 

Et son diocésain,

Mon cousin,

L’aurait-il cru sincère,

S’il eût fait le jannin,

Mon cousin,

Dans cette grande affaire,

Mon cousin, etc.

 

Il fut par droit ancien,

Mon cousin,

Du Saint-Siège vicaire,

Mon cousin,

Et son droit persévère,

Mon cousin, etc.

 

C’est sur ce grand moyen,

Mon cousin,

Que Clément bon et sage,

Mon cousin,

Veut qu’à d’autres Forbin

Mon cousin,

Redonne du courage,

Mon cousin, etc.

 

C’est pourquoi le quatrain,

Mon cousin,

Des masques de la ville,

Aura pour l’an prochain,

Mon cousin,

Des pardons et par mille,

Mon cousin, etc.

 

Et le brave Forbin,

Mon cousin,

Aura pour récompense,

A l’instant de la fin,

Mon cousin,

La plénière indulgence,

Mon cousin, etc.

 

Ajoute pouvoir plein,

Mon cousin,

De la rendre commune ;

Qu’on bénisse la main,

Mon cousin,

Qui comble sa fortune,

Mon cousin, etc.

 

Mais un souci soudain,

Mon cousin,

Vient réveiller son zèle ;

Sous le panier vilain,

Mon cousin,

Le larcin se recèle,

Mon cousin, etc.

 

Vieux troubadours, Forbin,

Mon cousin,

Au secours vous invoque ;

Mais moi sur cet engin,

Mon cousin,

J’évite l’équivoque,

Mon cousin, etc.

 

Par le sacré festin,

Mon cousin,

Quittez-le au moins, Mesdames.

Sauvons-nous le matin,

Mon cousin,

Le soir damnons nos âmes,

Mon cousin, etc.

  • 1Le mandement de l'archevêque d'Arles ($7575) avait déjà fait l'objet d'une édition critique imprimée ($7576). Il est ici encore attaqué dans un autre imprimé, où alternent couplets et examen critique de passages du mandement. On soupçonne que derrière la réfutation "théologique" se cachent des animosités personnelles qui expliquent cette interminable logoorhée, à la fois incohérente et d'une extrême maladresse.

Numéro
$7077


Année
1732




Références

Imprimé. Les couplets alternent avec un commentaire satirique de passages jugés scandaleux du mandement de Janson de Forbin, déjà attaqué en $7075 et $7076


Notes

Réaction à un Mandement de l'archevêque d'Arles. Voir $8373, même thème, même timbre.