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Chanson sur l’affaire de M. l’Homme

Chanson sur l’affaire de M. l’Homme1

Sur les bords de la Seine

La belle Célimène

De la folâtre cour

A fixé le séjour ;

Là, sous ses lois sans cesse

Une aimable jeunesse

À des jeux innocents

Consacrait des moments

Dans une douce ivresse.

Au son des instruments

Par des danses légères

Les bergers et bergères

Célébraient tout le jour

Célimène et l’amour.

 

Mais dans le voisinage

Ce galant badinage

D’une bande de fous

Excita le courroux.

Des fêtes du village

Jaloux, remplis de rage,

Pleins du jus de Bacchus

Ils implorent Momus.

Viens venger notre outrage,

Fais que l’on ne danse plus,

Choisis dans notre clique

Lhomme, cet homme unique,

Cet ancien échevin

Pour faire cesser ce train.

 

Momus arrive et nomme

Ce vieux barbon de Lhomme

Pour être commandant

De tout détachement,

Lui met une calotte,

L’arme de sa marotte,

Et le prend par la main,

Disant : vieux calotin,

De la troupe falote

Je te fais souverain.

Oui, de la tête grise

J’approuve l’entreprise.

Qu’à ton ordre à l’instant

Marche le Régiment.

 

Dans les bras de Morphée

Notre belle couchée

De songes enchanteurs

Goûtait les douces erreurs.

Cependant la cohorte

Que la fureur emporte

Dans l’ombre de la nuit

Cours et vole à grand bruit

Pour enfoncer la porte

Du tranquille réduit.

Sous son chef intrépide,

Sous ce nouvel Alcide

De ce peuple hautain

Marche le vaillant essaim.

 

Ce bouillant capitaine

Que sa bravoure entraîne

D’un assaut général

Donne à l’instant le signe,

Par sa belle prestance

Et par sa contenance

Au plus fort du combat

Anime le soldat,

Malgré la résistance

Triomphe avec éclat.

Au succès de ses armes

Les amours en alarme

Par mil et mille cris

Épouvantent le pays.

 

Cupidon s’en offense,

Thémis prend sa défense

Et contre ses forfaits

Elle s’arme de ses traits

Mais sitôt qu’elle arrive

Sur les bords de la rive

Au fracas des grelots

On voit fuir à grands pas

Cette troupe craintive

Et son vaillant héros.

Cupidon s’en console

Momus rit et s’envole

Et laisse à l’abandon

L’éprouvé bataillon.

 

Si Thémis en colère

S’unit avec Cythère

Pour venger les appas

Flétris par l’attentat,

Plutus par la finance

Couvrira ton offense.

Si ton rang, ton honneur

Coûte trop à ton cœur,

Arme-toi de constance.

Momus, ton protecteur,

Pour ton échevinage

D’un plus bel apanage

Parmi ses courtisans

Couronnera tes talents.

  • 1Chanson sur l’affaire de M. l’Homme, échevin dela ville de Paris, avec Mlle Mazarelli, fille de la cafetière de la Comédie-Italienne.

Numéro
$7438


Année
1750




Références

Clairambault, F.Fr.12720, p.189 - F.Fr.10478, f°513r-514v - F.Fr.15154, p.170-77