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Brevet pour agréger le Sr Arouet de Voltaire dans le Régiment de la Calotte

Brevet pour agréger le Sr. Arouet de Voltaire

dans le Régiment de la Calotte

Nous, les Régents de la Calotte,

Aux fidèles de la Marotte,

Et qui ces présentes verront,

Ou qui lire les entendront,

Salut. Arouet, dit Voltaire,

Par un esprit loin du vulgaire,

Par ses mémorables écrits,

Comme aussi par ses faits et dits,

S’étant rendu recommandable,

Et ne croyant ni Dieu ni Diable,

Tenant notre cour à Paris,

N’avons pas été peu surpris

Qu’un Poète de cette trempe,

Qui mériterait une estampe,

Ayant de plus riche talents,

Que n’ont d’autres à soixante ans,

Savoir : boutique d’insolence,

Grand magasin d’impertinence,

Grenier plein de rats des plus gros,

Caprices et malins propos,

Eût, par une insigne disgrâce,

Manqué d’obtenir une place

De Calotin du Régiment,

Dont il mérite bien le rang.

Après information faite

De sa légèreté de tête

Et débilité de cerveau

Où gît toujours transport nouveau,

Nous le déclarons lunatique

Et très digne de notre clique.

Nous étant de plus revenu,

Que ledit avait obtenu

Pour bonne et sûre récompense

D’une certaine outrecuidance,

Dont il voulait se faire un nom,

Un nombre de coups de bâton,

Pour lesquels il donna requête,

D’où vint décret et puis enquête

Contre quidams, enfants d’Iris,

Qui ne s’étaient pas bien mépris,

Et dont on n’a fait découverte,

Si qu’ils nous ont causé la perte

Dudit, qui pour se soulager,

Et trouver lieu de se venger

D’une si cruelle entreprise,

A fait voile vers la Tamise.

À ces causes, Nousdits Régents,

Qui protégeons les indigents,

De notre certaine science,

Voulons que ledit Arouet

Dont nous avons fait le portrait,

Soit agrégé dans la Marotte ;

Lui décernons triple calotte

De laquelle lui faisons don.

Item, de notre grand Cordon

Qu’il doit porter en bandoulière

Où seront rats devant, derrière,

Brodés en relief ; puis au bas,

Sous le plus gros de tous les rats,

Pendra notre grande médaille

Avec toute la prétintaille,

De sonnettes et d’oreillons,

Girouettes et papillons.

Plus, accordons audit Voltaire,

Pour figurer en Angleterre

Et se glisser parmi les Grands,

Dix mille livres tous les ans,

Qu’il percevra sur la fumée

Sortant de chaque cheminée

De Paris où brûle fagot,

Cotret, bois de coudre en un mot,

Bois à brûler de toute sorte.

Entendons que sous bonne escorte

Ces fonds lui soient toujours remis,

Afin qu’ils ne soient jamais pris,

Et saisis par gent maltotière.

Fait l’an de l’ère calotière,

Sept mille sept cent vingt et six

De notre ramadan le dix.

 

Numéro
$4075


Année
1726

Auteur
Camusat (selon Voltariana)



Références

1725, II, Supplément 21-23 1726, 267-269 1754, V, 14-16 F.Fr.9353, f° 265r-266r F.Fr.12785, f° 153 F.Fr.15016, f° 155r-157v Nouv.Acq.Fr. 4773, f° 152r - Voltariana, p.124-27


Notes

Sur l'attribution à Roy, voir la thèse dElliot Polinger, p.206-09.