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Arrêt de la calotte pour lever des régiments qui soient composés des plus grands hommes du royaume

Arrêt de la Calotte pour lever des Régiments
qui soient composés des plus grands hommes du Royaume
Les Régents de la Calotte
À leurs amés et féaux,
Lieutenants et généraux,
Commissaires et prévôts,
Parlements, présidiaux,
Et tous autres tribunaux
De la gente porte-Marotte.
Nous lisons dans Aristote,
Primo politicorum,
Que l'éclat, le décorum,
La sûreté, la défense
De tout État et puissance,
C'est d'enrôler à grands frais
Grands hommes, gros et bien faits.
Même, pour règle plus sûre,
Les prendre à poids et mesure,
Puis les tenir en repos,
En chambres, poêles, fourneaux.
Maxime d'État si juste,
Qu'il faudrait statue et buste
Pour honorer dignement
L'auteur d'un tel règlement.
Et qu'ainsi ne soit qu'il faille
Mesurer force à la taille,
Et n'installer les héros
Qu'à la hauteur des cordeaux ;
Que de deux pieds de moins, Achille
N'eût été qu'un imbécile,
La savante antiquité
En prouve la vérité.
On trouve dans Hérodote,
Que les Mèdes étaient grands,
De même que les Persans.
Prendra-t-on pour anecdote,
Ce qu'Homère a dit parfois,
Et son traducteur la Motte,
Soleil des auteurs françois ?
Que les Grecs et les Troyens
Estimaient l'un des grands biens
Vaste contour, taille riche.
On trouve dans leurs écrits
Que les rois de ces pays,
Vous enlevaient tous brandis,
Ceux que la nature chiche
Avait formé trop petits.
Les Romains, maîtres du monde,
Aimaient taille haute et ronde,
Et croyaient physiquement
Que le cœur et le courage
Sont de hauteur l'apanage.
Ils regardaient tristement
L'épargne de leur structure
Et querellaient la nature
Quand du Tudesque pesant
Ils voyaient l'air élégant
Et la riche fourniture.
combien ils ont vanté
La belle solidité
De ce peuple haut monté !
César, ce héros si brave,
Avait pesé ses soldats,
Quand du Germain, du Batave,
Il subjugua les États.
Toujours muni d'un compas,
Du moindre de ses goujats
Il compassait la tourinture ;
Il aunait ses légions,
Ne prenait qu'à la mesure
Tribuns et centurions.
Voici comment il s'explique
Au livre de ses exploits :
Le cœur des petits Gaulois
N'a qu'une ardeur frénétique,
Leur folle vivacité
Qu'une impétuosité,
Qu'une vigueur chimérique.
Leur mouvement trop subit
À son principe finit.
Or est-il que la physique
Nous dit que les mouvements
Sont plus beaux, quoique plus lents
Dans les grands corps allemands.
Parmi la gente helvétique,
L'élite des nations,
Les belles dimensions
Prouvent, malgré la critique,
Qu'il n'est rien de plus charmant,
Qu'être haut et corpulent.
Faut-il chercher l'avantage
Que procure aux beaux esprits
Le haut et large corsage ?
Hippocrate en ses écrits
Pour aphorisme nous donne,
Qu'un grand corps bien mieux raisonne ;
Que jugement vif et promit
Mieux est en corps haut et rond.
Vu que dans telle machine
L'âme partout s'achemine,
Vu que les esprits vitaux,
Autrement dit animaux,
S'y promènent trace à trace
Du centre vers la surface.
À ces causes, nous voulons,
Ordonnons et déclarons,
Qu'au reçu de ces présentes,
On fasse par tout Paris
Des recherches diligentes
Des grands corps les mieux fournis ;
Tant ceux que leur sort appelle
Au métier de portefaix,
De crocheteur, de valet
Et d'archer de l'écuelle,
Que ceux qu'on voit parvenus
Au moyen de leurs écus,
Et comme tailles hautaines
Produisent corps homogénes.
Mandons à nos intendants,
Gouverneurs et lieutenants,
Que parmi nos lavandières.
Ravaudeuses et tripières,
(Communautés en tous lieux
Ayant des corps spacieux)
On prenne, non les plus belles
Mais les plus hautes femelles ;
Que par force ou par raison
On fasse conjugaison
Des susdits et des susdites,
Nous fondant sur leurs mérites
En la propagation ;
Certains que leur hyménée
Formé si chrétiennement
Doit produire incessamment
Une féconde lignée ;
Et qu'à la vingtième année
Nous aurons des régiments
De colosses et géants.
Voulons que l'on se conforme
Pour la hauteur et la forme
Aux cordeaux des enrôleurs.
Et pour animer les cœurs
De ces nouvelles milices,
Leur donnons pour leurs épices
Vingt-cinq mirlitons de poids
Ou cent écus navarrois
Qu'ils recevront sur la mousse
Qu'Océan quand il rebrousse
Laisse aux rives de…
Fait au Conseil calotin,
L'an mil sept cent vingt-cinquième,
Et d'octobre le quinzième.

 

Numéro
$4060


Année
1725 octobre




Références

1725, II,103-08 - 1726, 246-50 - 1732/1735, II,98-103 - 1752, II,96-103 - F.Fr.9353, f°319r-321v - F.Fr.15014, f°55r-60v - F.Fr.20036, p.243-49 - F.Fr.25570, p.831-35 - Nouv.Acq.Fr. 4773, f°51r-54r - BHVP, MS 664, f°131v-136v - Bordeaux BM, MS 700, f°402r-406r - Grenoble BM, MS 587, f°93v-96v - Lille BM, MS 65, p.386395