Aller au contenu principal

D'Argenson à Paincourt

D’Argenson à Paincourt
A Paincourt, beau d’Argenson
Vous prenez votre bouillon,
Vous y faites votre cas,
Du moins vous pouvez l’y faire,
Car que n’y faites-vous pas ?

Dans cet aimable couvent,
Autrefois fort indigent,
Vous avez acquis le nom
De bienfaiteur et de père,
Non sans beaucoup de raison.

Vous faites avec Villemont
Ce qu’ailleurs bien d’autres font ;
Sans quoi seriez-vous contents,
Chacun dans votre tribune,
De vous lorgner si longtemps1  ?

  • 1L’élévation soudaine et inattendue de d’Argenson au poste de garde des sceaux eut pour conséquence d’attirer l’attention publique sur la vie privée de l’ancien lieutenant de police, qui n’était pas précisément à l’abri de tout reproche. « Ce grave personnage, disent les Mémoires de Richelieu, fit de la lubricité son plaisir continuel et l’objet de ses délassements… Il avait la commission et le droit d’inspection des couvents ; il les inspectait si bien qu’il les parcourait fort souvent, allant à la recherche des plus belles vierges vouées à Dieu, sous prétexte de visiter les murs de la maison et de veiller à leur conservation. » Le couvent de la Madeleine du Traisnel (communauté de bénédictines, fondée en Champagne, puis transportée à Paris, près Paincourt, actuellement Popincourt, c’est‑à-dire au faubourg Saint‑Antoine), eut le don de fixer le volage magistrat. « La supérieure (Mme de Veny d’Arbouze de Villemont) avait les plus beaux yeux et la plus belle peau du monde et était jolie comme les amours. D’Argenson était devenu si éperdument amoureux de cette supérieure, qu’il trouva le prétexte d’ordonner des bâtiments pour y venir souvent. Le produit des loteries lui permit de se bâtir à lui‑même une maison contiguë pour s’y retirer à la fin de ses jours. » Il ne fut pas, d’ailleurs, le premier auquel Mme de Villemont prodigua ses faveurs, s’il faut en croire les satires contemporaines, le célèbre flûteur Descoteaux était entré fort avant dans ses bonnes grâces. Dans une pièce dont il ne reste que deux vers, transcrits dans les Mélanges de Boisjourdain, il était dit : Faut-il qu’au flûteur Descoteaux / Succède un garde des sceaux ? Et, dans une chanson du Recueil Clairambault que l’on ne saurait décemment imprimer en totalité, nous trouvons ce couplet non moins signifiactif : Le pipeau du garde des sceaux / Vous fait‑il danser en cadence ? / Villemont va‑t‑il comme il faut ? / Le pipeau du garde des sceaux, / Sur la flûte de Descoteaux / Mérite‑t‑il la préférence ? (R)

Numéro
$0281


Année
1718




Références

Raunié, III,37-38 - Clairambault, F.Fr.12697, p.54 - Maurepas, F.Fr.12629, p.266