Stances contre les mauvais écrivains
Stances contre les mauvais écrivains
Muse, halte-là : j’abjure l’épigramme.
Ne peux-tu donc m’inspirer d’autres chants ?
Comme un forçat je languis à la rame.
Qu’ai-je gagné ? la haine des méchants.
Si d’un rhéteur je peins le lourd mérite,
C** se croit désigné dans mes vers.
Quand je persifle un rimeur hypocrite,
Gilbert me lance un regard de travers.
Le fouet en main, si je force à se taire
Ces plats grimauds, toujours si contents d’eux,
Et griffonnant un journal mercenaire,
Fréron soutient qu’un sot et lui font deux.
Chantons plutôt la candeur, la science,
La modestie avec tous ses attraits ;
Et ces Messieurs, remplis de conscience,
Ne croiront plus qu’on fasse leurs portraits.
La Harpe, CL, t.III, p.54