

Lettre critique de M. le Chevalier*** à l'Auteur du Catéchisme des Francs-maçons avec un brevet de calotte accordé en faveur de tous les zélés membres de leur société.
à Tyr chez Marcel Louveteau, rue de l'Échelle, à l'Étoile flamboyante. Avec privilège du roi Hiram1.
A la fin de cette brochure se trouve ce brevet de calotte.
Brevet de Calotte
accordé en faveur de tous les zélés Francs-maçons.
Extrait des registres de la Calotte.
De par le Dieu de la Satire
Maître du Calotin Empire,
A nos féaux et bien amés,
Les gens par nos rats animés,
Poètes, chanteurs, organistes,
Maîtres de danse, symphonistes,
Astrologues, opérateurs,
Amoureux, damoiseaux, joueurs,
Médecins, pédants, machinistes,
Courtisans, badauds, nouvellistes,
Plaideurs, mathématiciens,
Philosophes, comédiens,
Peintres, architectes, chimistes,
Maîtres d'armes et duellistes,
Bref, à tous les cerveaux timbrés
Qui sont chez nous enregistrés,
Salut d'amour et de liesse.
Ayant appris que l'allégresse
S'affaiblissait de jour en jour
Dans notre turlupine Cour,
Qui menace de décadence,
Et cela par le long silence
De tous nos écrivains quinteux,
Par l'oubli des brevets heureux,
Nous voulons joindre à notre Empire
Nouveaux sujets dont le délire
Ne peut qu'illustrer notre corps,
Et mieux animer ses ressorts.
Nous agrégeons la Gent Maçonne
Sans faire injustice à personne,
Dans ce Brevet ne comprenant
Que ceux dont l'amour trop ardent
Pour la Franche Maçonnerie
Est poussé jusqu'à la folie,
Et qui, pénétrée de regret
De voir au diable leur secret,
Ne sachant pas à qui s'en prendre,
Sont tous les jours prêts à se pendre ;
Que ceux, pour tout dire en un mot,
Qui méritent comme Naudot,
Clerembaut, Marais et Le Maire,
La qualité de très bon Frère,
Ainsi que Greff de l'Opéra,
Du Pont, Langlade et cœtera.
Voulons que leurs sacrés mystères
Soient tracés en gros caractères
Au greffe de nos contrôleurs
Par un de leurs frères tuileurs.
Que dans la chambre d'assemblée
Pende la houpe dentelée
Autour du juge jovial
Qui tient pour nous le tribunal ;
Que dans cette chambre plaisante
Brille l'Étoile flamboyante
Entre les deux Piliers qu'Hiram
Fit par l'ordre d'Adoniram ;
Qu'au-dessous de ce nouvel astre
Que point ne connut Zoroastre,
Cet astrologue sans pareil,
Brillent la lune et le soleil ;
Qu'on joigne à ce dessein comique
Le charmant pavé mosaïque,
Les sept mystérieux degrés
Par les Maçons si révéré ;
Sans oublier les trois croisées
De même aussi solennisées ;
Et que parmi ce merveilleux
Digne de tous nos cerveaux creux
On voie aplombs, compas, équerres,
Niveaux, marteaux, planches et pierres.
Ordonnons à notre greffier
D'écrire sur notre papier,
Et le papier de la Canaille,
C'est-à-dire sur la muraille,
Tous ces mots, Jehova, Iakin,
Boz, Makbenak et Tubalquain.
D'Adoniram la grave histoire
Se verra dans la chambre noire
Avec l'escalier en vis fait
Qu'on monte par trois cinq et sept.
Et dans ces lieux aussi doit être
La lugubre loge du Maître ;
Nos mélancoliques sujets
En seront tous fort satisfaits ;
Un cercueil entouré de larmes
Sans doute aura pour eux des charmes ;
Et la mort qu'ils verront au bas
Entre l'équerre et le compas,
Changera leur sombre tristesse
En une parfaite allégresse ;
Là maints Docteurs en tabliers
Ainsi qu'utiles ouvriers
Au col une équerre pendue,
Le cordon bleu qu'on prostitue
Tout leur paraîtra merveilleux,
Réjouissant, avantageux,
Et même ils trouveront risible
L'office du Frère terrible.
Pour rendre encor plus glorieux
Les Maçons superstitieux,
Faisons par grâce et courtoisie,
Sans exciter de jalousie,
Ce bon banquier leur général,
De nos logis Grand Maréchal,
Ce Professeur en médecine
Qui d'Ésope a toute la mine,
De notre troupe l'inspecteur,
Et Fréron le grand orateur.
Enfin, pour marquer notre zèle
Aux Chevaliers de la Truelle,
Voulons que tout bon Franc-maçon
Soit reçu chez nous sans façon ;
Qu'il ait rang dans nos assemblées
Comme nos cervelles fêlées,
Qu'entr'eux et nous, tout soit commun,
Et que les deux ne fassent qu'un ;
Que les Maçons portant calotte
La portent triple et la marotte,
Que sur les sacrés tabliers
Des vénérables officiers
Soient appliqués rats et sonnettes
Et toutes sortes de sornettes.
Vu l'honneur que nous recevons
En nous unissant aux Maçons,
Ayant plus d'un bon témoignage
Que les rats, illustre apanage
De nos fous immatriculés,
Sont dans leurs chefs tous assemblés,
En leur accordant nos suffrages,
Donnons à chacun d'eux pour gages
La somme de deux mille francs
A prendre une fois tous les ans
Sur les débris du fameux temple
D'un roi qui, jeune, fut l'exemple
Et de sagesse et de grandeur,
Mais des humains précepteur
Las du triste métier de sage
Sur ses vieux ans nous fit hommage.
Donnons de plus (car en ami
Il ne faut rien faire à demi)
A ces nouveaux pensionnaires,
Du bon sens nobles adversaires
L'ustensile et le logement,
L'un et l'autre commodément
Dans cette Sainte Moinerie2
Où Mouret a fini sa vie
Avec gens perclus du cerveau
Où l'on attend le Sieur Rameau.
Fait dans notre chambre ratière
Après avoir vu la lumière
Grâce à fines précautions,
L'an des illuminations
Où l'on eut besoin d'ellébore.
Signé Momus, et plus bas, Baure3.
Numéro $8412
Année 1745
Description
154 vers
Références
Gastelier, lettre du 15 avril 1745
Mots Clefs Brevet de Calotte accordé en faveur de tous les zélés Francs-maçons.