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Plainte de la religion…

Plainte de la religion sur le bruit que l’affaire du Père Girard
et de la Sœur Cadière a fait par tout le monde

Qu’est devenu ce temps où le chrétien docile
Ne trouvait rien de difficile
Quand il fallait suivre ma loi ?
Hélas, dans ce siècle funeste
Je ne trouve plus aucun reste
De l’amour qu’on avait pour moi.

Fallait-il des tyrans alors braver l’orage
On ne vit point tant de courage,
Le chrétien volait au trépas.
Aujourd’hui faut-il pour me plaire
Condamner la langue sectaire ?
Hélas, on ne m’écoute pas.

Je vois dans ce moment l’indigne médisance
Déchirer avec violence
Le ministre et l’oint du Seigneur.
Cependant ma loi respectable,
Qu’il soit innocent ou coupable,
Ne permet point cette fureur.

Quand par tout l’univers ta langue trop sévère
Aura fait sonner le mystère
Qui met son honneur en péril
Lorsqu’il sera par ta pratique
Chargé de la haine publique,
Chrétien, que t’en reviendra-t-il ?

Dieu qui du haut du Ciel lit au fond de ton âme,
La voit peut-être plus infâme
Que celle du Père Girard.
Toutefois sa bonté suprême
Se tait pour toi lorsque toi-même
Éclate tant à son égard.

De tant de noirs forfaits la triste renommée
Me rend la plus infortunée.
J’en perds presque tout mon éclat,
Toute sainte que je puis être,
L’ennemi de mon divin Maître
Ose m’imputer l’attentat.

Il m’est assez cruel dans le temps où nous sommes
De voir que la plupart des hommes
Ne me connaissent du tout point,
Sans qu’un bruit honteux et sinistre
Ne fasse rougir ton ministre
Que j’aurais pris pour mon adjoint.

Je ne demande pas que d’un esprit servile
Tu te rendes assez facile
Pour le publier innocent,
Mais que ta bouche moins fatale
Ne divulgue pas le scandale
Dont ma propre gloire se sent.

Que ne penseront point ces sectes criminelles
Qui, me devenant infidèles,
Ne cherchent plus qu’à me noircir.
J’entends déjà que leur langage
M’accuse de libertinage
Dont tu daignes les éclaircir.

S’il reste donc en toi quelqu’amour pour ma gloire,
Cache leur cette indigne histoire
Qui leur donne prise sur moi,
N’avilis point un ministère
Dont l’honneur et le caractère
Servent de rempart à la foi.

Puissent les yeux chargés de cette procédure
Voir la vérité toute pure
Pour en décider justement ;
Puissent aussi par leur prudence
Accorder dans une sentence
Ma gloire avec leur jugement.

 

Numéro
$1953


Année
1731




Références

F.Fr.23859, f°40r-41r


Notes

Suite en $1954