

Épître De Madame la Duchesse de Châteauroux
Au duc de Richelieu
Cher Richelieu, compagnon de ma peine,
Utile ami, dont l'intrigant secours
Avait formé cette brillante chaîne,
Qui d'un grand roi m'asservissait les jours.
Un prêtre, hélas ! a détruit ton ouvrage.
Le temps n'est plus où mon crédule amant,
Marquant son choix par un public hommage,
Traînait partout mon triomphe éclatant,
L'arrêt fatal de ma triste disgrâce
Est prononcé. Lauraguais suit mes pas,
Car il faut bien bannir toute la race
Pour exiler l'amour de ces climats.
Tu connais trop et mon cœur et ma vie
Pour imputer ma douleur à l'amour.
Mon intérêt, ma vanité trahie,
Sont les malheurs que je pleure en ce jour.
Jusque sur toi je vais les voir s'étendre,
Et ce mérite en tout supérieur,
Illustre ami, ne pourra les suspendre.
L'apôtre tonne et te nomme l'auteur,
L'indigne agent du scandaleux voyage
Qui contre nous a courroucé les Dieux.
Dans les transports de son aveugle rage
Pour ton exil il fait parler les cieux.
Bientôt au fond de la Septimanie
On te verra cacher tes agréments.
Déjà les bois de l'aimable Idalie
Ont retenti de longs gémissements ;
Tous ces charmants héros du Persiflage
Vont devenir la fable de la Cour.
Cet heureux ton, cet air, ce bel usage
Sont désormais proscrits de ce séjour.
De Mazarin le Berger respectable,
Ce Du Menil que la fatuité
Des grands emplois avait rendu capable,
Rentre au néant dont je l'avais ôté,
En vain ses yeux, ses dents, son badinage
Parlent pour lui, Mars profane ces fleurs.
La tige tombe et languit sans courage,
Et ses talents se tournent en vapeurs.
Ciel ! Que je vois encore d'autres victimes
Du sort cruel dont je subis l'horreur !
Que de héros ! Que d'amis magnanimes
Vont s'abîmer en montrant leur douleur !
Que pour d'Ayen mon âme est inquiète !
Jamais à feindre il n'a pu s'abaisser.
Il va tout haut condamner ma retraite,
En ma faveur sa voix va s'élever.
Pour toi, cher Duc, compose ton langage,
N'entretiens plus tes brillantes couleurs,
Prends l'air du jour, et que sur ton visage
Le cagotisme étale ses rigueurs.
Sous ce maintien tu pourras reparaître,
Et saisissant un jour d'heureux moments,
Nous venger tous de cet indigne prêtre
Qui nous immole à ses ressentiments.
Numéro $8409
Année 1745
Description
56 décasyllabes
Notes
Duchesse de Châteauroux, duc de Richelieu, Louis XV
Références
Gastelier, 7 janvier 1745
Mots Clefs Duchesse de Châteauroux, duc de Richelieu, Louis XV