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Ode pour la reine de Hongrie

Ode1 pour la reine d’Hongrie2
Fille de ces héros que l’empire eut pour maîtres,
Digne du trône auguste où l’on vit tes ancêtres,
Toujours près de leur chute et toujours affermis,
Princesse magnanime
Qui jouit de l’estime
De tous tes ennemis.

Le Français généreux, si fier et si traitable,
Dont le goût pour la gloire est le seul goût durable,
Et qui vole en aveugle où l’honneur le conduit,
Inonde ton empire,
Te combat et t’admire,
T’adore et te poursuit.

Par des nœuds étonnants l’altière Germanie
A ses puissants rivaux malgré soi réunie
Fait de l’Europe entière un objet de pitié
Et leur longue querelle
Fut cent fois moins cruelle
Que leur triste amitié.

Quoi ! des rois bienfaiteurs ordonnent ces ravages ?
Ils annoncent le calme, ils forment les orages ?
Ils prétendent conduire à la félicité
Les nations tremblantes
Par les routes sanglantes
De la calamité.

Oh vieillard vénérable3 , à qui les destinées
Ont de l’heureux Nestor accordé les années,
Sage que rien n’alarme, et que rien n’éblouit,
Veux-tu priver le monde
De cete paix profonde
Dont ton âme jouit ?


Ah ! s’il pouvait encore au gré de la prudence,
Tenant également le glaive et la balance,
Fermer par des ressorts aux mortels inconnus
De sa main respectée
La porte ensanglantée
Du temple de Janus.

Si de l’or des Français le sources égarées
De fertilisaient plus de lointaines contrées
Rapportaient l’abondance au sein de nos remparts,
Embellissaient nos villes,
Arrosaient les asiles
Où languissent les arts.

Beaux arts, enfant du ciel, de la paix et des grâces,
Que Louis en triomphe emmena sur ses terres,
Ranimez nos travaux, si brillants autrefois,
Vos mains découragées
Vos lyres négligées
Et vos tremblantes voix.

De l’immortalité vos succès sont le gage,
Touts ces traités rompus, et suivis de carnage,
Ces triomphes d’un jour, un moment célébrés,
Tout passe et tout retombe
Dans la nuit de la tombe
Et vous seuls demeurez.

Le Ciel entend mes voeux, un nouveau jour m’éclaire,
L’âme du grand Armand qui vous servit de père
Pour animer nos chants reparaît aujourd’hui.
Rois, suivez son exemple,
Vous, prêtres de son temple,
Soyez dignes de lui.

 

  • 1 Ode pour la reine d’Hongrie, faite le 30 juin 1742. On l’attribue à M. de Voltaire - Quoique nous ayons rapporté les premières stances de cette pièce de vers plus haut, nous avons cru devoir la placer ici en son entier et telle qu'elle se trouve dans notre manuscrit. (Mémoires secrets)
  • 2Autre titre: Stances pour la reine d'Hongrie.
  • 3Le cardinal de Fleury (M.)

Numéro
$3192


Année
1742 juin

Auteur
Voltaire



Références

Clairambault, F.Fr.12710, p.87-89 - Maurepas, F.Fr.12646, p.77-79 - F.Fr.13658, p.103-05 - Arsenal 3133, p.485-86 (manque la dernière strophe) -  BHVP, MS 556, p.33-34 - Bois-Jourdain, II, 75-76 (incomplet)