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Les deux assemblées de Sorbonne

Les deux assemblées de Sorbonne
En décembre, au prima mensis1 ,
La Sorbonne2 assemblée
Par Humblot et par ses amis3
Voyant la paix troublée,
Prit sagement la balle au bond
Et sans lâcheté nulle,
Pour réfuter son faux dictum,
S’expliqua sur la bulle.

Ce jour4 donc il fut dit tout net,
Librement et sans crainte,
Que par le précédent décret
Obtenu par contrainte
Icelle Constitution
Fut certes registrée
Par des lettres de jussion
Et non pas approuvée.

Lorsqu’ensuite il fut question5 ,
Pour consommer l’affaire,
De revoir la conclusion,
Comme c’est l’ordinaire,
Quelques-uns6 touchés en secret
De vive repentance
Condamnèrent comme un forfait
Leur timide silence.

O que le spectacle en fut beau !
La Sorbonne savante
Se relevant de son tombeau
Ne parut plus tremblante7 .
On la vit cette Faculté,
A l’honneur de la France,
Parler avec la liberté
Qu’eut Gerson à Constance8 .

Mais de tout ceci que dira
A Rome le saint-père ?
Sans doute il excommuniera
Ces docteurs par colère.
Ne craignons rien. Le Parlement
Qui sait fort bien son thème
Par un plus sage jugement
Lèvera l’anathème

  • 12 et 5 décembre 1715. (M.)
  • 2Sous l’ancienne monarchie, la Sorbonne était exclusivement une faculté de théologie. (R)
  • 3L’abbé Legendre nous fournit dans ses Mémoires des indications très complètes sur ces deux assemblées. Humblot, dit‑il, était « un bon homme, bon docteur, du reste homme fort commun, et l’un des plus zélés pour la Constitution. » C’est par le nouveau syndic Ravechet, « janséniste s’il en fut, homme de faciende, qui savait manœuvrer », que fut provoquée la rétractation de la Sorbonne. (R)
  • 4Première Assemblée. (M.) (R)
  • 5Deuxième Assemblée. (M.) (R)
  • 6L’abbé Lembert, dit : Pudet me tamdiu tacuisse ; exterritus fui, veniam peto. Le curé de Saint‑Gervais et deux autres l’imitèrent. (M.) (R)
  • 7« Il fut arrêté que l’acte d’acceptation de la bulle Unigenitus, qui se trouvait dans les registres, en serait biffé et rayé comme non véritable dans les termes qu’il y était couché ; enfin qu’on informerait contre l’auteur de la fausseté, qui était le dernier syndic. » (L’abbé Legendre.) (R)
  • 8Jean Charlier, dit Gerson, célèbre théologien français, fut nommé en 1395 chancelier de l’Université de Paris, et prit une part active aux luttes religieuses de l’époque. Aux conciles de Pise (1409) et de Constance (1414), il soutint énergiquement la doctrine qui plaçait le concile général au‑dessus du pape, et essaya de faire condamner l’apologie du meurtre du duc d’Orléans, prononcée par le cordelier Jean Petit. (R)

Numéro
$0088


Année
1715




Références

Raunié, I,147-49 - Clairambault, F.Fr. 12695, p.623-24 - Maurepas, F.Fr.12628, p.39-40