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Stances à Me Le Cauchois

Stances à Me Le Cauchois1
J’ai vu la justice pencher
Et croire à la fausse apparence ;
J’ai vu s’élever le bûcher
Où devait périr l’innocence ;
J’ai vu dans ce fatal moment
La vengeance y porter la flamme.
Pour renverser ce monument.
Le Cauchois, il fallait ton âme.

Français, le voilà ce héros,
Qui, malgré la brigue et l’envie,
Consacra son bien, son repos,
Et de Salmon sauva la vie.
Malgré les efforts de l’erreur,
Il surmonta tous les obstacles ;
Sans autre guide que son cœur,
Sa plume enfanta des miracles.

On dit qu’à la mort entraînés,
Sophronie et la tendre Olinde,
Tous deux par l’erreur condamnés,
Furent défendus par Clorinde.
On vit plus d’un brave Dunois
S’exposer pour nos Dorothées ;
En voit-on, comme Le Cauchois,
Combattre pendant cinq années ?

O toi, qui dans ces grands revers
Fis voir un sublime courage,
Oui, c’est au nom de l’univers
Que je t’adresse un pur hommage.
Tu recevras avec bonté
De tes enfants le vœu sincère :
Le vengeur de l’humanité
De tout citoyen est le père2 .

  • 1« Voici des vers assez faibles, mais que tout le monde veut avoir parce que la fille Salmon a exalté toutes les têtes. Puissions-nous n’être jamais transportés que d’un enthousiasme aussi juste que celui qu’inspirent l’innocence reconnue sur l’échafaud et la générosité d’un ministre de Thémis qui sacrifie sa fortune et ses veilles pour lui arracher une victime. » (Correspondance secrète de Métra.) - Marie Victoire-Salmon, villageoise de basse Normandie, accusée d’empoisonnement sur la personne d’un vieillard et de vol domestique avait été condamnée le 17 mai 1782, par sentence du bailliage criminel de Caen, et le 18 avril, par arrêt confirmatif du Parlement de Rouen, à être brûlée vive et préalablement appliquée à la question. Un ecclésiastique qui l’avait entendue protester de son innocence dans la prison intéressa en sa faveur Me Le Cauchois, qui, après avoir obtenu pour la malheureuse un sursis, la veille même du jour où elle devait être suppliciée, poursuivit durant cinq ans sa réhabilitation. Malgré l’opposition des premiers juges, Le Cauchois, secondé par Me Turpin, avocat au Conseil, et Me Fournel, avocat au Parlement, réussit après de longues procédures à obtenir un arrêt du Conseil privé qui chargeait le Parlement de Paris d’instruire l’affaire à nouveau, et le 24 mai 1786, la Tournelle, sur le rapport de M. Dionis du Séjour, déchargea la fille Salmon de toute accusation, et l’autorisa à poursuivre ses dénonciateurs en dommages et réparations. Ce procès avait fait grand bruit et attiré l’attention publique sur la victime, dès les premiers moments de la justification elle fut l’objet d’une sympathie unanime ; la ville et la cour s’intéressèrent en sa faveur. La duchesse de Chartres notamment la prit sous sa protection ; on lui constitua une dot, on lui acheta un trousseau, et le 26 août elle épousa dans l’église Saint Séverin un jeune homme auquel sa main était promise avant ses malheurs, et qui, s’étant engagé par désespoir, avait obtenu son congé grâce au duc d’Orléans. (R
  • 2Le dévouement de Me Le Cauchois ne fut pas à l’abri d’imputations malveillantes, et l’on fit même paraître dans le Mercure une lettre où l’on cherchait à diminuer son mérite, en exaltant le zèle de ses confrères MM. Turpin et Fournel. « La fille Salmon, indignée d’une telle affectation à déprimer les services de son vrai bienfaiteur, a pris la plume et par une lettre adressée aux rédacteurs du même journal, dans l’effusion de sa reconnaissance, elle déclare que c’est à Me Le Cauchois qu’elle doit ce qu’elle est aujourd’hui, qu’il lui sert depuis près de cinq années de défenseur, de père, qu’il n’a cessé de la secourir à Rouen, au Conseil, à Paris, de ses lumières, de ses conseils, de ses travaux, de sa bourse, et qu’il a pris également soin de sa vie et de son âme. Elle ajoute qu’elle n’est que la cinquième victime à qui ce généreux avocat ait sauvé l’honneur et les jours. » (Mémoires secrets)

Numéro
$1579


Année
1786




Références

Raunié, X 220-22