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Panégyrique de la duchesse de Berry

Panégyrique de la duchesse du Luxembourg1
Quel spectacle ! quelle allégresse !
Que d’éclat, de jeux et de ris !
Les plaisirs renaissent sans cesse
Et reçoivent un nouveau prix ;
Tout nous charme et nous intéresse…
Mais peut-on en être surpris ?
On rend hommage à la princesse
Qui fait l’ornement de Paris.

Sa beauté n’a rien qui n’enchante,
On vante sa vivacité,
Sa grâce en tout est ravissante
Et son regard est respecté.
Sa jeunesse est toute brillante,
Son port est plein de majesté,
Et sitôt qu’elle se présente
Tout cède à sa noble fierté.

Heureux qui sait comme elle pense,
Qui par son rang, ou son crédit
En fait souvent l’expérience !
Ce que la voix publique en dit2
Trouve d’autant plus d’assurance
Que l’air charmant dont elle rit
Nous paraît une conséquence
Pour le brillant de son esprit.

Pour son grand cœur que rien n’égale
Dans la pompe, ou dans les bienfaits,
La pente en est si libérale
Que sans entrer dans son palais
Où sa bonté vraiment royale
Se déclare par tant de traits,
On voit assez que tout signale
Le plus grand cœur qui fut jamais.

Tout nous surprend et tout retrace
Sa magnificence et son choix.
Si je la suis dans une chasse,
Quelle ardeur ! qu’est-ce que je vois !
Toute sa course a tant de grâce
Que les divinités des bois,
Heureuses d’en suivre la trace,
Semblent se ranger sous ses lois.

Si dans la séance inquiète
D’un jeu vif, piquant, incertain,
On la voit quelquefois sujette
Aux revers communs du destin ;
Dans sa tranquillité parfaite
Inaccessible à tout chagrin,
Son âme égale et satisfaite,
Ne ressent ni perte ni gain.

Mais quelle joie inconcevable
Et quel surcroît d’étonnement,
Quand un spectacle favorable
Excite son empressement !
L’effet en est si remarquable
Que le plus simple amusement,
Par un attrait inexprimable,
Devient un doux enchantement.

Cependant, si j’ose le dire,
Dans ces instants si précieux
Le spectacle en vain nous attire
Par des plaisirs ingénieux.
C’est la princesse qu’on admire,
Et ses appas victorieux
Font toujours sentir leur empire
Aux spectateurs trop curieux3 .

Que vous nous êtes nécessaire,
Princesse ! l’on verra toujours
Régner, ici comme à Cythère,
Les ris charmants et les amours.
On vous en nommerait la mère
Mais l’éclat naissant de vos jours,
Par un avantage contraire,
Ravit ce titre à nos discours.

Pour une princesse si belle,
A qui les cœurs s’immolent tous
Et dont chaque soleil rappelle
Quelque triomphe parmi nous,
Marquez, signalez votre zèle,
Nobles plaisirs ; que d’entre vous
Une troupe toujours nouvelle
Rende encore son sort plus doux !

  • 1« Ces stances sont de la composition de M. Crouzelier, conseiller au parlement de Metz, qui eut l’honneur de les présenter lui‑même à la duchesse » (Mercure galant) (R)
  • 2La voix publique, comme on l’a vu précédemment, n’en disait pas précisément du bien. (R)
  • 3Il y a loin de cette assertion à la vérité, témoin le fait suivant rapporté par Duclos : « Elle parut sous un dais à l’Opéra, et le lendemain à la Comédie, quatre de ses gardes sur le théâtre et les autres dans le parterre. Le cri fut général et de dépit elle se renferma depuis dans une petite loge où elle était incognito. » (R)

Numéro
$0119


Année
1716

Auteur
Crouzelier, conseiller au parlement de Metz



Références

Raunié, II 44-48